Qui a écrit Luc/Actes ? P1 Les sources externes
- ProEcclesia bloger
- 9 juin 2023
- 19 min de lecture
Dernière mise à jour : 1 sept. 2023

L’évangile de Luc et des Actes des Apôtres sont dans les cercles universitaires modernes considérés comme étant anonymes. Mais d’autres universitaires ont un tout autre avis et pensent que l’auteur de Luc/Actes et bien le dénommé « Luc » compagnon de l'apôtre Paul mentionné en Philémon 24, Colossiens 4.14 et 2 Timothée 4.11. Et c'est ce que je vais m’efforcer de démontrer dans les prochaines lignes.
La tradition manuscrite et l'évangile de Luc.
Un point qui revient concerne les titres dans les manuscrits qui sont généralement considérés comme étant des ajouts tardifs chez les spécialistes du Nouveau Testament [1]. Mais pourtant comme la démontré le dr Simon Gathercole, tous les plus anciens manuscrits possèdent des titres. Bien qu’il sont placés à des endroits différends selon les manuscrits et qu'ils sont formulés de différentes manière (selon Luc, évangile selon Luc) tous attachent le troisième évangile à un « Luc ». Voici les résultats de l’étude du dr Gathercole [2].
Pour les manuscrits grecs de l'évangile de Luc nous avons :

Papyrus 75 du troisième/milieu quatrième siècle « Évangile selon Luc »
Codex Sinaiticus du quatrième siècle « Selon Luc »
Codex Vaticanus du quatrième siècle « Selon Luc »
Codex Washingtonianus du quatrième/sixième siècle « Évangile selon Luc »
Codex Alexandrinus du cinquième siècle « Évangile selon Luc »
Codex Ephraemi du cinquième siècle « Évangile selon Luc »
Codex de Bezae du cinquième siècle « Évangile selon Luc »
Pour les latins :
Codex Vercellensis du quatrième siècle « Selon Luc »
Codex Veronensis du cinquième siècle « Selon « Luc »
Codex Palatinus du milieu du quatrième siècle « Selon Luc »
Codex Corbeiensis II du milieu du cinquième siècle « Évangile selon Luc »
Codex Vindobonensis du milieu du sixième siècle « Selon Luc »
Codex Curiensis du milieu du cinquième siècle « Selon Luc «
Codex Sangallensis 1395 du milieu du cinquième siècle « Selon Luc »
Manuscrit latin "N" du cinquième siècle « Selon Luc »
Pour les syriaques :
Codex Sinaiticus Syriacus du quatrième/cinquième siècle « Évangile de Luc »
Syriaque 296 du milieu/fin cinquième siècle « Selon Luc »
Pour les coptes :
Papyrus Palau Ribes du cinquième siècle « Évangile selon Luc »
Il n’existe donc pas de manuscrits anonymes du troisième évangile contrairement à ce que l’on peu sous entendre lorsque l’on entend que les titres des évangiles sont des ajouts tardifs. Sur ce dernier point le professeur Brant Pitre nous dit « le premier et peut-être le plus grand problème de la théorie des Évangiles anonymes est le suivant : aucune copie anonyme de Matthieu, Marc, Luc ou Jean n'a jamais été trouvée. Pour autant que nous le sachions, elles n'ont jamais existé. Au contraire, comme l'a démontré le spécialiste du Nouveau Testament Simon Gathercole, les manuscrits anciens sont unanimes à attribuer ces livres aux apôtres et à leurs compagnons. » et il nous dit plus loin « non seulement les plus anciens et les meilleurs manuscrits, mais tous les manuscrits anciens - sans exception, dans toutes les langues - attribuent les quatre évangiles à Matthieu, Marc, Luc et Jean » [3]. Si l’évangile de Luc a circulé anonymement à son origine nous nous attendrions à retrouver des copies anonymes et des copies portant un autre nom mais aucune de ces copies n’a été retrouvées et jusqu’à preuve du contraire elles ne sont qu’une théorie ne possédant aucun support matériel. Si nous appliquons aux titres des évangiles dans les manuscrits le même raisonnement qu’applique les textualistes à l'ensemble des manuscrits (à savoir que pour qu'une lecture soit considérée comme "originale", elle doit normalement se trouver dans les meilleurs manuscrits et les meilleurs groupes de manuscrits comme le dit Bart Ehrman [4]) alors nous avons de bonnes raisons de penser que les titres ne sont pas des ajouts. D'ailleurs Ehrman n’applique pas ce raisonnement lorsqu’il s’agit des titres des évangiles car d’après lui les différentes formes des titres « Évangile selon » ou « selon » prouve que les titres ont été ajoutés. Mais comme le remarque Brant Pitre les titres ont probablement été abrégés et les noms (Matthieu, Marc, Luc et Jean) sont systématiquement présent et ils doivent être considérés comme authentiques d’un point de vu textuelle [5]. Ehrman avance encore d’autres arguments, par exemple selon lui un auteur ne ce serait pas mentionné à la troisième personne dans un titre et les père apostolique n’utilisent jamais les nom « Matthieu, Marc, Luc et Jean » ce qui n’est pas logique si l’on par du principe qu’ils connaissaient des évangiles possédants des titres.
Encore une fois les objections de Bart Ehrman posent plusieurs problèmes. Premièrement de nombreux auteurs se mentionnent à la troisième personne dans leurs ouvrages. Thucydide le fait dès le proprologue de la guerre du Péloponnèse :

Flavius Joèphe par exemple se mentionne à plusieurs reprises à la 3ème personne, par ex :

Jules César aussi se mentionne à la 3ème personne dans son ouvrage "la guerre civile" :

Diodore de Sicile aussi :

Ensuite pour le fait que les Pères apostoliques ne citent pas les noms des auteurs des évangiles nous devons là aussi apporter un contre argument. Par exemple Clément de Rome fait plusieurs allusions à des passages des évangiles sans jamais citer le nom des auteurs des évangiles mais il ne cite pas non plus constament l'auteur lorsque qu'il fait des allusions à des lettres dont l'auteur est connu comme les lettres pauliniennes qui commencent toutes par un verset mentionnant le nom de St Paul. Clément cite le nom "Paul" en 1 Clm 47.1-2 mais ne cite aucun nom d'auteur pour les parallèles suivant 1Clément 2.7 - Tite 3.1 ; 33.1 - Tite 3.1 ; 35.6 - Rm 1.29-32 ; 49.5 - 2 Pierre 4.8.
Le même argument peut être avancé pour Ignace d'Antioche & Polycarpe qui ne cite pas le nom "Paul" : Ignace aux Éphésiens 1.1 - Éphésiens 5.1 ; 10.1 - 1 Thessaloniciens 5.17 ; 16.1 - 1 Corinthiens 6.9-10 ; 18.1 - 1 Corinthiens 1.20 ; Ignace aux Trailliens 1.2 - Éphésiens 5.1 ; 5.1 - 1 Corinthiens 3.1 ; 10.1 - 1 Corinthiens 15.15 ; Ignace aux Romains 2.2-3 - Philippiens 2.16-17 ; 5.1 - 1 Corinthiens 4.4 ; Ignace aux Philadelphiens 3.3 - 1 Corinthiens 6.9-10 ; 7.2 - 1 Corinthiens 3.16 & 11.1 ; Ignace à Polycarpe 1.3 - 1 Corinthiens 1.9 & Romains 5.20 ; 3.1 -1 Timothée 1.3.
Polycarpe dans sa seconde lettre aux Philippiens cite des versets des épitres de St Paul et St Pierre sans jamais mentionner de noms : 1.2 - Philippiens 1.5 ; 1.3 - 1 Pierre 1.8 & Éphésiens 2.5-8 ; 2.1 - 1 Pierre 1.13 ; 2.2 - 2 Corinthiens 4.14 & 1 Pierre 3.9 ; 4.1 - 1 Timothée 6.7 ; 5.1 - Galates 6.7 ; 5.2 - 2 Timothée 2.12 ; 5.3 - 1 Pierre 2.11 & 1 Corinthiens 6.9-10 ; 6.2 - Romains 14.10-12 ; 7.2 - 1 Pierre 4.7 ; 8.1 - 1 Pierre 2.22 ; 9.2 - Galates 2.2 ; 11.2 1 Corinthiens 6.2.
Nous ne pouvons donc pas utiliser cet argument contre les titres des évangiles à partir du moment où ces mêmes Pères apostoliques citent des versets sans nommer les auteurs. Certains disent que St Luc aurait dû se nommer directement dans son récit pour se présenter mais cet argument ne tient pas lorsque l'on compare St Luc avec d'autres auteurs de l'antiquité. Bien que certains auteurs se nommaient dans leurs récits d'autres ne l'on pas fait. Par exemple le biographe Plutarque ne se nomme pas lorsqu'il écrit ses "vie parallèles ( récits de vies d'hommes illustres du monde gréco-romain)", Philon ne se mentionne pas dans ses vie d'Abraham et Lucien de Samosate ne se mentionne pas dans sa biographie consacrée à Démonax et pourtant il a connu personnellement Démonax [6].
Pour connaitre qui est ce "Luc" nous devons nous tourner vers la tradition de l'église car c'est avec la tradition que nous pouvons avoir une idée plus précise sur l'auteur de Luc/Actes. C'est d'ailleurs la tradition de l'église qu'a mis en avant St Augustin pour connaitre les auteurs des évangiles :

L’identification du troisième évangile dans la tradition de l’église.
La tradition à dès le deuxième siècle identifiée le troisième évangile avec le médecin mentionné en Colossiens 4.14 « Luc, le médecin bien-aimé, vous salue, ainsi que Démas. » ou avec un le cercle apostolique.
Nous retrouvons cette identification chez :
Justin le Martyr vers 155 ap J.C : 8 Dans les livres qui furent écrits, ainsi que je le soutiens, par ses apôtres et par leurs disciples, il est rapporté qu'une sueur qui ressemblait à des gouttes de sang découla de son corps, lorsqu'en priant il s'écriait : «Mon père, s'il est possible, éloignez de moi ce calice.» [7]
Irénée de Lyon vers 180 ap J.C : De son côté, Luc, le compagnon de Paul, consigna en un livre l'Evangile que prêchait celui-ci. Puis Jean, le disciple du Seigneur, celui-là même qui avait reposé sur sa poitrine, publia lui aussi l'Evangile, tandis qu'il séjournait à Ephèse, en Asie. [8]
Dans le prologue anti marcioniste vers 180/200 ap J.C : En effet, Luc était un Syrien d'Antioche, médecin de profession, disciple des apôtres [...] Par conséquent, bien que des évangiles aient déjà été écrits, par Matthieu en Judée et par Marc en Italie. Mais poussé par l'Esprit Saint il (Luc) a écrit cet évangile dans les parties de l’Achaïe. [9]
Dans le fragment de Muratori vers 180/200ap J.C : Troisième livre de l’Evangile, selon Luc. Luc, ce médecin, après l’ascension du Christ, alors que Paul l’avait pris auprès de lui en tant qu’expert en droit, en son nom pense-t-on, écrivit. Il n’avait pourtant pas vu lui-même le Seigneur dans la chair. [10]
Clément d'Alexandrie vers 200-220 ap J.C : Il ne nous reste donc, pour nous faire comprendre le Dieu inconnu, que sa grâce et son Verbe, ainsi que Luc nous le montre dans les Actes des Apôtres, quand il met ces mots dans la bouche de Paul : « Athéniens, il me « semble qu'en toutes choses vous êtes très-religieux. Car, en passant et en voyant les statues de vos Dieux, j'ai trouvé même un autel où il est écrit : AU DIEU INCONNU. Ce Dieu donc, que vous adorez sans le connaitre, est celui que je vous annonce. » [11]
Tous ces témoignages sont unanimes pour attribuer le 3ème évangile à St Luc hormis Justin qui ne parle pas du nom de Luc mais cite Luc 22.43-44 en parlant de texte écrit par les apôtres ou leurs disciples. Irénée est le 1er à rapporter l'attribution à St Luc et comme il le dit les évangile sont "ce qu'on transmis les apôtres [12]" sous-entendant que les évangiles ont été transmis depuis le début à et par l'église (notons qu'Irénée a connu Polycarpe qui lui avait connu l'apôtre Jean). Clément d'Alexandrie lui aussi a fait un commentaire similaire lorsqu'il parle des évangiles qui "nous on été transmis [13]" soulignant là encore l'antériorité de la tradition. L'antériorité de la tradition qu'ils possèdent et d'ailleurs renforcée par le fait qu'ils écrivent depuis des lieux éloignés. Par exemple Irénée écrit depuis la Gaule, Clément depuis Alexandrie et fragment de Muratori lui vient de Rome.

Si ces trois témoins disent la même chose à une période similaire le tout en étant géographiquement éloignés c'est qu'ils sont indépendant et ont tous eu accès à une tradition antérieure. On peut bien sûr objecter que la tradition reste trop tardive pour être prise au sérieux mais deux points doivent être objecté. Premièrement il faut comprendre que si la tradition sur les auteurs des évangiles apparait clairement au 2ème siècle elle n'est pas de facto inventée au 2ème siècle car les chrétiens n'avaient pas besoin de la revendiquer plus tôt. En effet comme le souligne David Alan Black "Ce n'est que lorsque la tradition de l'Église a été sérieusement remise en question et contestée par les hérétiques et les dissidents que les écrivains chrétiens se sont efforcés de la défendre vigoureusement. C'est pourquoi les informations sur la provenance des Évangiles sont rares jusqu'à ce que Marcion, au milieu du deuxième siècle, décide de rejeter tous les Évangiles à l'exception de sa version expurgée de Luc. [14]". C'est pourquoi nous ne devons pas rejeter la tradition sous prétexte quelle date du 2ème siècle. C. Kavin Rowe a tenu un propos très intéressant sur ce sujet "Si les preuves du deuxième siècle ne sont pas en elles-mêmes valables pour la fin du premier siècle (nous devons toujours nous méfier de l'anachronisme et des arguments tirés du silence), elles méritent néanmoins d'être prises en considération. En effet, lorsqu'elles ne sont pas contredites par des documents antérieurs, les preuves ultérieures peuvent contribuer à façonner notre perception du phénomène en question, peut-être surtout lorsque le poids des preuves est à ce point unilatéral.[15]".
Nous avons aussi d'autres éléments à prendre compte, les citations des pères qui montrent une connaissance des écrits de St Luc. En effet plusieurs auteurs (ou écrits) démontrent une connaissance plus ou moins certaines de Luc/Actes. Ces citations ne démontrent bien évidement pas que St Luc est l'auteur de Luc/Actes mais elles prouvent l'autorité que pouvait avoir Luc/Actes dans l'église ce qui va dans le sens d'un texte écrit par St Luc, compagnon de voyage de St Paul.
Les citations des oeuvres de St Luc (Les citations suivantes sont mises en évidence par les couleurs différentes puis sont suivi d'un commentaire.)
Polycarpe vers 135 ap J.C
2 Philippiens 1.2 Et « je me réjouis de ce » que la racine vigoureuse de votre foi, dont on parle depuis les temps anciens, subsiste jusqu’à maintenant et porte des fruits en Notre Seigneur Jésus-Christ, qui a accepté pour nos péchés d’aller au-devant de la mort ; « Dieu l’a ressuscité en le délivrant des douleurs de l’enfer »
Actes 2:24 Dieu l'a ressuscité, déliant les liens de la mort, parce qu'il n'était pas possible qu'elle le tînt en son pouvoir. [...] 27 parce que vous n'abandonnerez pas mon âme dans le séjour des morts, et vous ne permettrez pas que votre Saint voie la décomposition. [...] 31 voyant d'avance, il a parlé de la résurrection du Christ, (disant) et qu'il n'a pas été abandonné dans le séjour des morts, et que sa chair n'a pas vu la décomposition.
2 Philippiens 2.1 « Aussi, ceignez vos reins et servez Dieu dans la crainte » et la vérité, laissant de côté les bavardages vides, et l’erreur de la foule, « croyant en celui qui a ressuscité notre Seigneur Jésus-Christ d’entre les morts, et lui a donné la gloire » et un trône à sa droite. « A lui tout est soumis, au ciel et sur la terre » ; à lui obéit tout ce qui respire, il viendra « juger les vivants et les morts », et Dieu demandera compte de son sang à ceux qui refusent de croire en lui.
Actes 10:42 Et il nous a commandé de prêcher au peuple et d'attester que c'est lui que Dieu a constitué juge des vivants et des morts.
En 2 Philippiens 1.2 Polycarpe utilise l'expression "λύσας τὰς ὠδῖνας (délier les douleurs)" qui existe dans le Nouveau Testament uniquement en Actes 2.24 où elle est textuellement identique. St Luc utilise le terme "θάνατος" après l'expression "λύσας τὰς ὠδῖνας" tandis que Polycarpe utilise "ᾅδης (hades)" mais dans la suite en Actes 2.27 et 31 le terme hades est utilisé pour parler de la résurrection et ce sont les deux seuls endroits du NT ou ce terme est utilisé en lien avec la résurrection.
En Philippiens 2.1 Polycarpe utilise l'expression "κριτῆς ζώντων καὶ νεκρῶν (juge des vivants et des morts) qui est encore une fois textuellement identique en Actes 10.42 et dans le même sens qu'en Actes pour parler du Christ. Une expression similaire apparait en 1 Pierre 4.5 "κρῖναι ζῶντας καὶ νεκρούς" et 2 Timothée 4.1 "κρίνειν ζῶντας καὶ νεκρούς" mais elles ne sont pas textuellement identiques avec Philippiens 2.1. Ces parallèles sont suffisamment clairs pour conclure que Polycarpe a utilisé les Actes des apôtres.
Épitre 2 clément vers 120-140 ap J.C
2 Clément 6.1. Le Seigneur reprend : "Nul ne peut servir deux maîtres"
Luc 16:13 Nul domestique ne peut servir deux maîtres : car ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et le Richesse."
2 Clément 6.1 Ουδεις οικετης δυναται δυσι κυριοις δουλευειν
Luc 16 13 Οὐδεὶς οἰκέτης δύναται δυσὶν κυρίοις δουλεύειν
L'expression en 2 Clément 6.1 et Luc 16.13 est textuellement identique. Elle apparait aussi en Matthieu 6.24 "Οὐδεὶς δύναται δυσὶ κυρίοις δουλεύειν" mais la citation est plus proche de celle de Luc 16.13.
2 Clément 8.5 Car le Seigneur dit dans l'évangile :"Si vous n'avez pas conservé de petites choses, qui vous en donnera de grandes ? Car je vous dis que celui qui est fidèle en de petite choses l'est aussi en ce qui est important."
Luc 16.10 Celui qui est fidèle dans les moindres choses l'est aussi dans les grandes, et celui qui est injuste dans les moindres choses l'est aussi dans les grandes. 11 Si donc vous n'avez pas été fidèle dans les richesses injustes, qui vous confiera les véritables ? 12 Et si vous n'avez pas été fidèles dans ce qui est à autrui, qui vous donnera ce qui est à vous ?
2 Célemnt 8.5 et Luc 16.10 contiennent deux expressions textuellement identique ce qui va dans le sens d'une dépendance de 2 Clément à l'évangile de Luc.
2 Clément 8.5 πιστος εν ελαχιστω και εν πολλω πιστος εστιν.
Luc 16.10 Ὁ πιστὸς ἐν ἐλαχίστῳ καὶ ἐν πολλῷ πιστός ἐστιν
Papias de Hiérapolis vers 110-130 ap J.C
(Fragment d'un commentaire d'André de Césarée) 1 Et Papias parle de la manière suivante dans ses traités [...] 7 Or, le Christ est venu, et il a accompli dans son corps, selon l'apôtre, la loi qui était impossible pour tout autre. 8 Il a vaincu le péché et condamné Satan, et par sa mort il a répandu sa justice sur tous. 9 Comme cela se produisait, la victoire de Michel et de ses légions, les gardiens de l'humanité, devint complète, et le dragon ne put plus résister, car la mort du Christ l'exposa au ridicule et le jeta à terre - 10 à propos de quoi le Christ dit : "Je vis Satan tombé du ciel comme un éclair." [16]
Luc 10:18 Jésus leur dit: Je voyais Satan tomber du ciel comme un éclair.
Dans un fragment arménien d'un commentaire d'André de Césarée nous pouvons voir qu'il rapporte un verset cité par Papias qui n'existe que dans l'évangile de Luc. On pourrait objecté qu'il s'agit d'un ajout dans le fragment mais nous n'avons pas de raisons sérieuse pour adopter une telle position. Richard Bauckham pense sur base de ce fragment qu'il est très probable que Papias ait cité l'évangile de Luc [17], Charles E. Hill accepte lui aussi ce fragment comme démontrant la connaissance de l'évangile de Luc par Papias [18].
Ignace d'Antioche vers 110 ap J.C
Magnésien 5.1 Car les choses ont une fin, et voici devant nous toutes deux également, la mort et la vie, et chacun doit aller à son lieu propre.
Actes 1:25 pour occuper dans ce ministère de l'apostolat, la place dont Judas s'est retiré pour s'en aller en son lieu. "
L'expression "aller à son lieu propre (είς τὸν ἴδιον τόπον)" en Magnésien 5.1 qui parle de la mort est quasiment la même qu'en Actes 1.25 "εἰς τὸν τόπον τὸν ἴδιον" au sujet de la morte Judas. L'expression n'existe pas dans un autre texte du NT, il est probable qu'une dépendance textuelle ou orale existe entre les deux textes.
Smyrniotes 3.3 Et après sa résurrection, Jésus mangea et but avec eux comme un être de chair, étant cependant spirituellement uni à son Père.
Actes 10:41 non à tout le peuple, mais à des témoins choisis d'avance par Dieu, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d'entre les morts.
Smyrniotes 3.3 parle du fait que Jésus a mangé et but après sa résurrection, les termes utilisés sont "συνεσθίω (manger)" et "συμπίνω (bu)" et ils sont utilisés dans le Nouveau Testament pour parler de l'après résurrection de Jésus uniquement en Actes 10.41
Smyrniotes 3.3 μετὰ δὲ τὴν ἀνάστασιν συνέφαγεν αὐτοῖς καὶ συνέπιεν ὡς σαρκικός
Actes 10.41 οἵτινες συνεφάγομεν καὶ συνεπίομεν αὐτῷ μετὰ τὸ ἀναστῆναι αὐτὸν ἐκ νεκρῶν
Clément de Rome vers 64?- 96 ap J.C
1 Clément 2.1 Tous, vous vous montriez humbles, exempts de jactance, plus prompts à obéir qu'à commander, plus heureux de donner que de recevoir. Les viatiques du Christ vous suffisaient et c'est à eux que vous appliquiez votre esprit ; oui, vous teniez ses paroles soigneusement gravées dans votre coeur et ses souffrances étaient devant vos yeux.
Actes 20:35 En tout je vous ai montré que c'est en travaillant ainsi qu'il faut soutenir les faibles et se souvenir des paroles du Seigneur Jésus, qui a dit lui-même : Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir. "
En Actes 20.35 il est question d'une parole du Christ non rapporté dans les évangiles "μακάριόν ἐστιν μᾶλλον διδόναι ἢ λαμβάνειν", le verset de Clément ressemble à cette citation "ἥδιον διδόντες ἢ λαμβάνοντες". Il peut s'agir d'une citation textuelle ou orale des Actes.
1 Clément 18.1 Que dirons-nous donc de David et du témoignage qu'il a reçu ? Dieu lui avait dit : " J'ai trouvé un homme selon mon coeur, David, fils de Jessé et je l'ai oint dans ma miséricorde éternelle !
Actes 13:22 Puis, l'ayant rejeté, il leur suscita pour roi David, auquel il a rendu témoignage en disant : J'ai trouvé David, le (fils) de Jessé, homme selon mon coeur, qui fera toutes mes volontés.
Dans ces passages nous avons une citation quasi textuelle des Actes :
1 Clément 18.1 κατὰ τὴν καρδίαν μου Δαυὶδ τὸν τοῦ Ἰεσσαί
Actes 13.22 Δαυὶδ τὸν τοῦ Ἰεσσαί ἄνδρα κατὰ τὴν καρδίαν μου
Franck Dicken dit à propos de ce passage et des passages parallèles chez Ignace "la dépendance des Actes vis-à-vis de Josèphe sont des échos intertextuels et ne sont pas aussi substantiels que la dépendance de 1 Clément et Ignace vis-à-vis des Actes [19]".
L'épitre de Clément nous amène automatiquement à la question de l'auteur de 1 Clément. Nous savons qu'il y avait un Clément connu dans les églises au 1er puisque St Paul le mentionne en Philippiens 4:3 "Et toi aussi, mon fidèle compagnon, je te prie de leur venir en aide, elles qui ont combattu pour l'Évangile avec moi, avec Clément, et mes autres collaborateurs dont les noms sont dans le livre de vie.". Au 4ème siècle Eusèbe rapporte que le Clément mentionné par St Paul a été le 3ème évêque de Rome [20]. Irénée de Lyon parle d'un Clément qui a connu les apôtres, a été évêque de Rome et a écrit une lettre aux Corinthiens [21]. Clément d'Alexandrie cite 1 Clément et l'attribut à "l'apôtre Clément [22] et Tertullien parle d'un Clément nommé évêque par l'apôtre Pierre [23]. Mike Licona "il n'y a pas de traditions concurrentes qui prétendent le contraire.218 Ainsi, bien que la certitude historique nous échappe, je considère qu'il est plus probable que non (c'est-à-dire possible-plus) que Clément de Rome ait personnellement connu l'apôtre Pierre. [24]". Il y a aussi la question de la datation de l'épitre qui est généralement datée vers 96 ap J.C [25] mais récemment plusieurs érudits ont postulé pour une date vers/avant l'an 70 ap J.C [26]. Quoi qu'il en soit même en gardant une date vers 96 nous pouvons voir que les Actes ont circulé vers 85-90 avec une certaine autorité.
Épitre 1 Timothée vers 63-150? ap J.C
1 Timothée 5:18 Car l'Ecriture dit : Tu ne muselleras pas le boeuf qui foule le grain ; et : L'ouvrier a droit à son salaire.
Luc 10:7 Demeurez dans cette maison, mangeant et buvant de ce qu'il y aura chez eux, car l'ouvrier mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison.
Le verset apparait aussi en Matthieu mais n'est pas textuellement identique avec 1 Timothée 5.18 contrairement à Luc 10.7. Plusieurs auteurs ont tenté de nier qu'en 1 Timothée 5.18 fasse référence à un texte écrit mais plutôt à une tradition orale. Cette position pause plusieurs problèmes. Le terme utilisé en 1 Timothée 5.18 et "graphe" qui signifie littéralement écriture et dans le contexte St Paul le met en parallèle avec un verset du Deutéronome qui est bien un texte écrit et non oral. De plus d'autres textes anciens utilisent une expression similaire pour parler de textes écrits.
L'épitre de Barnabé cite Matthieu 22.14 avec l'expression "écriture" : "4.14 Encore une chose à considérer, mes frères, lorsqu’après de tels signes et de tels prodiges accomplis chez Israël, vous le voyez néanmoins abandonné, prenons garde qu’il ne se trouve chez nous aussi, suivant l’expression de l’Écriture, -beaucoup d’appelés mais peu d’élus-."
Polycarpe dans son épitre aux Philippiens utilise "écriture" pour parler deux de passages, Psaume 4.5 et Éphésiens 4.26 : "12.1 Je suis assuré que vous êtes très versés dans les Saintes Lettres et que rien ne vous en est ignoré : moi je n’ai pas ce don. Il me suffit de vous dire, comme il est dit dans ces Écritures : -Mettez-vous en colère et ne péchez pas-, et -que le soleil ne se couche pas sur votre colère-. Heureux qui s’en souvient ; je crois qu’il en est ainsi pour vous."
Le verset ne peut donc pas être comprit comme une référence à une tradition orale. L'autre question concerne l'identité de l'auteur, pour une majorité d'érudits l'épitre est tardive et anonyme. Cette position a été grandement influencé par l'étude de Percy N. Harrison publiée en 1921 et qui a mis en évidence les différences de langages des épitres pastorales et des épitres authentiques de St Paul. Cette étude a été complètement balayé en 2018 par Jermo Van Les [27] qui en utilisant les critères les plus récent sur l'étude des langues a mis en évidence les faiblesses de l'argument du langage contre les pastorales. Je ne développerai pas ici les arguments avancés par Van Nes, ce sera l'objet d'un article consacré à ce sujet.
Conclusion.
Les preuves externes démontrent que Luc/Actes a été unanimement attribué à "Luc" le médecin et compagnon de St Paul et que ses écrits ont été très tôt acceptés dans l'église.
Sur le troisième évangile Daniel Marguerat déclare que l’inscription « selon Luc » a été ajouté après 150 lorsqu’il était nécéssaire de différencier les évangiles. L’historien de Dieu Luc et les Actes des apôtres, pp15-16 / Malheureusement Marguerat n’explique pas pourquoi l’inscription « selon Luc » n’aurait pas plus de sens comme étant original car comme le souligne Richard Bauckham « il est inconcevable qu’un ouvrage dont le destinataire est nommé (Théophile) ait pu être anonyme, Jesus and The Eyewitnesses, p301
Simon Gathercole, The titles of the Gospels in the earliest New Testament manuscripts
Brant Pitre,The case for Jesus, pp19-21 / Dans le même ordre d’idée Craig A. Evans déclare qu’ « Il n'existe pas de copies anonymes des Évangiles et il n'existe pas de copies des Évangiles canoniques sous des noms différents. À moins que des preuves du contraire ne fassent surface, nous devrions cesser de parler d'évangiles anonymes et de superscriptions et souscriptions tardives et non historiques. », Jesus and the Manuscripts, chap1
Bart D. Ehrman, Misquoting Jesus: The Story Behind Who Changed the Bible and Why, p130
Brant Pitre,The case for Jesus
Simon Gathercole, The Alleged Anonymity of The Canonical Gospels, p12
Justin dialogue avec Tryphon, 103.8
Irénée de Lyon, contre les hérésies III, 1.1
David Alan Black, Why four Gospels ?, chap2
http://pascal.dupuy.chez-alice.fr/Lexique/muratori.htm
Stomates 5.12.83
Irénée de Lyon, Contre les Hérésies, 3.11.9
Clément d'Alexandrie, Stromates, 3.13.93
David Alan Black, Why Four Gospels ? chap 2
C. Kavin Rowe, History, Hermeneutics and the Unity of Luke–Acts, p138
Michael W. Holmes, The Apostolic Fathers, pp762-763
Richard Bauckham, Jesus and the Eyewitnesses : The Gospels as Eyewitness Testimony, p14
Charles E. Hill, Who Chose the Gospels ? p214
Franck Dicken, Issues in Lukes-Acts, p25
Eusèbe, HE 3.4.9 "Mais Clément, lui aussi leur troisième évêque, a été également, au témoignage de Paul, son auxiliaire el le compagnon de ses combats."
Irénée de Lyon, Contre les hérésies, 3.3.3 "Donc, après avoir fondé et édifié l'Église, les bienheureux apôtres remirent à Lin la charge de l'épiscopat; c'est de ce Lin que Paul fait mention dans les épîtres à Timothée. Anaclet lui succède. Après lui, en troisième lieu à partir des apôtres, l'épiscopat échoit à Clément. Il avait vu les apôtres eux-mêmes et avait été en relations avec eux : leur prédication résonnait encore à ses oreilles et leur Tradition était encore devant ses yeux. Il n'était d'ailleurs pas le seul, car il restait encore à cette époque beaucoup de gens qui avaient été instruits par les apôtres. Sous ce Clément, donc, un grave dissentiment se produisit chez les frères de Corinthe; l'Eglise de Rome adressa alors aux Corinthiens une très importante lettre pour les réconcilier dans la paix, renouveler leur foi et leur annoncer la Tradition qu'elle avait naguère reçue des apôtres"
Clément d'Alexandrie, Stromates 4.17 "L'apôtre Clément, dans son épitre aux Corinthiens, nous trace aussi une sorte de portrait du Gnostique. « De tant d'étrangers qui se rendaient en foule dans vos murs, qui ne se sentait frappé de cette foi vive, inébranlable et ornée de toutes les vertus qui étaient en vous ? qui n'admirait cette piété envers Jésus-Christ si pleine de douceur et de sagesse ? 326 qui ne louait ces mœurs libérales et magnifiques que vous faisiez éclater dans l'exercice de l'hospitalité? qui enfin ne « publiait partout que vous étiez heureux par l'étendue et la certitude inébranlable de vos connaissances ? En effet, vous vous conduisiez en toutes choses sans aucun égard à la qualité des personnes, et vous marchiez avec fidélité dans les voies du Seigneur, etc.»"
Tertullien, Prescription contre les hérétiques 32 " D'ailleurs, si quelques-unes osent se rattacher à l'âge apostolique pour paraître transmises par les apôtres, sous prétexte qu'elles existaient à l'époque des apôtres, nous sommes en droit de leur dire : « Montrez l'origine de vos Églises; déroulez la série de vos évêques se succédant depuis l'origine, de telle manière que le premier évêque ait eu comme garant et prédécesseur l'un des apôtres ou l'un des hommes apostoliques restés jusqu'au bout en communion avec les apôtres. » Car c'est ainsi que les Églises apostoliques présentent leurs fastes. Par exemple, l'Église de Smyrne rapporte que Polycarpe fut installé par Jean; l'Église de Rome montre que Clément a été ordonné par Pierre. De même encore, d'une façon générale, les autres Églises exhibent les noms de ceux qui, établis par les apôtres dans l'épiscopat, possèdent la bouture de la semence apostolique."
Mike Licona, The Resurrection of Jesus: A New Historiographical Approach, p250
Franck Dicken dit qu'"une date au milieu des années 90 de notre ère semble toujours être la meilleure option." dans Issues in Lukes-Acts, p23
Mike Licona qui discute de la datation conclut "Je trouve que l'argument en faveur d'une date précoce est convaincant, mais je ne peux pas rejeter l'argument en faveur d'une date plus tardive. Il me semble que ni l'un ni l'autre ne peuvent être expliqués sans difficulté. Bien que j'aimerais personnellement attribuer une date précoce à 1 Clément, je me sens contraint de m'abstenir de prendre une décision pour l'instant." The Resurrection of Jesus: A New Historiographical Approach, pp250-255 ; Jonathan Bernier qui a récemment étudié cette question dit "nous concluons que 1 Clément a été écrit au plus tôt en 64 et au plus tard en 70." Rethinking the Dates of the New Testament, pp239-251
Jermo Van Nes, Pauline Language and the Pastoral Epistles
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