Qui a écrit les épitres pastorales ? Partie 1, Réponse aux objections
- ProEcclesia bloger
- 26 janv.
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Dernière mise à jour : il y a 7 jours

Les épîtres Pastorales (1-2 Timothée et Tite) sont généralement considérées comme des épîtres anonymes. Raymond Brown [1] avait dit qu'environ 80-90 % des spécialistes sont d'avis que les Pastorales ont été écrites après la mort de saint Paul (dont la mort est située à la fin des années 60 ap. J.-C.). Les érudits ont proposé plusieurs dates pour les Pastorales allant de la fin du 1er siècle au troisième tiers du 2e siècle [2].
Plusieurs arguments ont été invoqués pour nier l'origine paulinienne des Pastorales. (J'invite les lecteurs à lire les notes pour voir des arguments plus poussés contre la paternité paulinienne, en l'occurrence ceux d'Eugène Boring, qui a fait un long développement pour soutenir la théorie d'un auteur anonyme ; j'ai choisi de ne pas les mettre ici pour faciliter la lecture [3]).
Les pastorales contredisent chronologiquement les donnés que nous avons sur la vie de St Paul [4].
Les pastorales se contredisent entre elles [5].
Les pastorales contredisent la conception que Paul à de lui même dans ses lettres incontestées [6].
Les lettres sont inappropriées comme lettres à Timothée et Tite / Les lettres sont appropriées à la troisième génération de dirigeants chrétiens, où il y a une lutte pour la véritable succession du leadership de Paul [7].
Les pastorales se réfèrent aux opposants hérétiques du 2ème siècle [8].
Les pastorales comprennent des références à l'ordre ecclésiastique et aux offices ecclésiastiques qui ne correspondent pas aux années 60 [9].
La perspective du pasteur sur le rôle des femmes dans l'église reflète la période après Paul [10].
Les pastorales reflètent et interagissent avec les mouvements ultérieurs du Nouveau Testament et la littérature actuelle après l'époque de Paul [11].
Le style et le vocabulaire des pastorales indiquent un cadre post-paulinien [12].
1. Les Pastorales contredisent chronologiquement les données que nous avons sur la vie de saint Paul ?
Tous les éléments cités par Boring peuvent effectivement poser un problème chronologique avec les Actes si l'on part du principe que les Pastorales font référence à des événements ayant eu lieu à la période racontée dans les Actes. Toutefois, il existe une solution qui permet de balayer toutes ces supposées contradictions. Beaucoup d'érudits pensent que saint Paul a été libéré de son emprisonnement à Rome et qu'il a eu une 2e carrière après 62. Cette position est appuyée par un verset de l'épître 1 Clément composée en 96 ap. J.-C. (peut-être même avant 70 d'après certaines études récentes [13]). Le verset dit la chose suivante :
5 C'est par suite de la jalousie et de la discorde que Paul a montré quel est le prix de la patience : 6 chargé sept fois de chaînes, exilé, lapidé, il devint héraut du Seigneur au levant et au couchant, et reçut pour prix de sa foi une gloire éclatante. 7 Après avoir enseigné la justice au monde entier, jusqu’aux bornes du couchant, il a rendu son témoignage devant les autorités et c’est ainsi qu’il a quitté ce monde pour gagner le lieu saint, demeurant pour tous un illustre modèle de patience.
L'expression « jusqu'aux bornes du couchant » fait sûrement référence à un voyage en Espagne que St Paul voulait faire, comme il le dit en Romains 15.28 : « Dès que j'aurai terminé cette affaire et que je leur aurai remis ces dons, je partirai pour l'Espagne et passerai chez vous. » Et à la fin du 2e siècle, il existait une tradition (fragment de Muratori) disant que St Paul a été en Espagne : « il parle évidemment de la passion, laissée de côté, de Pierre, mais aussi de Paul partant de la ville pour l’Espagne ». Nous avons donc de bonnes raisons de penser que St Paul a eu une autre carrière qui n'est pas racontée dans les Actes.
Une autre solution consiste à placer les Pastorales pendant le ministère de St Paul. Cette solution a été adoptée par quelques commentateurs. Philippe Rolland [14], qui a publié une étude sur ce sujet, place Tite et 1 Timothée au printemps de l'an 58 et 2 Timothée à l'été 58 apr. J.-C. En Tite 1.5, St Paul dit qu'il a laissé Tite en Crète ; cette information peut correspondre à Actes 20.4, lorsque St Paul est allé à Jérusalem sans être accompagné de Tite. 1 Timothée a été écrite peu après, lorsque Timothée est à Éphèse, un détail qui n'est pas mentionné dans les Actes, ce qui ne pose pas de problème car St Luc ne mentionne pas tous les détails. Par exemple, il ne mentionne que deux séjours de St Paul à Corinthe, alors que St Paul en a fait trois, comme on le voit en 2 Corinthiens 12.14 à 13.1. 2 Timothée serait écrite depuis l'emprisonnement de St Paul à Césarée. Ce point nous oblige à traduire différemment deux passages. Actes 21.29 dit que Trophime a été vu dans le temple de Jérusalem, tandis que 2 Timothée 4.20 dit que Trophime est à Milet. Comment concilier ces deux passages ? Le verset d'Actes 21.29 peut se traduire de cette façon : « ils avaient présupposé que c'était l'Éphésien Trophime », ce qui n'implique pas réellement la présence de Trophime dans le temple de Jérusalem. L'autre problème vient de 2 Timothée 1.16-18, qui implique que St Paul écrit depuis Rome, mais le terme grec utilisé pour « Rome » peut avoir comme signification « vigueur physique » ou « force d'âme », ce qui peut donner comme traduction :
« Que le Seigneur fasse miséricorde à la famille d'Onésiphore ; car (à Éphèse) il m'a souvent réconforté et il n'a pas eu honte de mes chaînes. Au contraire, dans un élan de courage, il m'a demandé avec insistance et il m'a obtenu. Que le Seigneur (Jésus) lui donne d'obtenir miséricorde auprès du Seigneur (le Père) en ce jour-là. Et tous les (autres) services qu'il m'a rendus à Éphèse, tu les connais mieux que personne. [15] ».
Mais il ne s'agit pas de la seule hypothèse pour 2 Timothée. Par exemple, pour S. de Lestapis, 2 Timothée s'intègre pendant le premier emprisonnement de St Paul à Rome mentionné en Actes 28.16.30 [16]. Quoi qu'il en soit, il y a suffisamment d'hypothèses possibles pour rejeter l'argument des défenseurs de l'inauthenticité des Pastorales.
2. Les pastorales se contredisent entre elles ?
Pour Boring, le fait que St Paul dise que tout le monde l’a abandonné (2 Timothée 1.15) contredirait le fait qu’en 2 Timothée 4.21 il envoie les salutations de quatre collaborateurs et de tous « les frères ». Mais 2 Timothée 1.15 doit être compris comme une hyperbole, puisque le contexte du verset montre que St Paul remercie Onésiphore, qui lui a sûrement été fidèle, tout comme Timothée. George T. Montague suggère que l’état émotionnel de St Paul l’a poussé à parler de la sorte [17]. Il n’y a donc pas de contradiction ici ; la seule contradiction provient de l’interprétation de Boring. L’autre contradiction apportée par Boring est encore plus faible. Il soutient que Tite 1.5 contredirait Tite 3.12, car en 1.5 il donne du travail à faire à Tite, et en 3.12 il lui dit de le rejoindre rapidement. Sauf que Boring ignore volontairement que St Paul dit à Tite de le rejoindre rapidement une fois qu’il aura envoyé Artémas ou Tychique, et non de venir immédiatement dès réception de la lettre.
3. Les pastorales contredisent la conception que Paul à de lui même dans ses lettres incontestées ?
Boring met en contraste le « Paul » des Pastorales avec celui des épîtres authentiques, en disant que dans ces dernières Paul ne parle pas en mal de son ancienne vie (Philippiens 3.4-11 ; 1 Corinthiens 6.9-11), contrairement aux Pastorales (Tite 3.3 ; 1 Timothée 1.15-16). Mais l’argument de Boring ne tient pas. En Philippiens 3.4-11, St Paul se dit « juste » dans son ancienne vie, non pas par rapport à ce qu’il est au moment où il écrit, mais par rapport à ce qu’il était selon son ancien mode de vie pré-chrétien. En Tite 3.3, St Paul ne fait que comparer l’ancien mode de vie pécheur des païens avec le sien, chose qu’il reconnaît aussi dans son épître aux Romains 3.9-12 : « Quoi donc ! sommes-nous plus excellents ? Nullement. Car nous avons déjà prouvé que tous, Juifs et Grecs, sont sous l’empire du péché, 10 selon qu’il est écrit : Il n’y a point de juste, pas même un seul ; 11 nul n’est intelligent, nul ne cherche Dieu ; 12 tous sont égarés, tous sont pervertis ; il n’en est aucun qui fasse le bien, pas même un seul. » Et les versets de 1 Timothée 1.15-16 ne font que dire que St Paul a été sauvé du péché par Christ et qu’il a obtenu miséricorde. Encore une fois, il n’y a rien de différent des autres épîtres, car dans les versets de Romains que je viens de citer St Paul reconnaît que tous sont pécheurs, et en 1 Corinthiens il reconnaît avoir reçu du Seigneur miséricorde.
4. Les lettres sont inappropriées comme lettres à Timothée et Tite.
Boring trouve étrange que les Pastorales soient les seules lettres adressées à des individus. Mais ce n’est pas suffisant pour les rejeter. Boring rejette l’épître à Philémon comme épître personnelle sous prétexte qu’elle est aussi adressée à l’église (Philémon 2), ce qui n’est pas faux, mais Boring ne se rend visiblement pas compte qu’avec Philémon nous avons une épître unique, adressée à une personne et à l’église en même temps, et pourtant elle fait partie des 7 épîtres incontestées. Si une épître peut avoir une caractéristique unique et être authentique, pourquoi, quand une autre caractéristique se retrouve dans trois épîtres (1 & 2 Timothée et Tite), cela devrait-il être un argument contre l’authenticité ? On peut aussi noter que rien ne nous empêche de voir Philémon avant tout comme une épître personnelle, car elle contient aussi des adresses personnelles à Philémon, et c’est avant tout de cette façon qu’elle a été comprise dans les premiers siècles, puisque le fragment de Muratori en parle comme d’une lettre personnelle aux côtés de 1 & 2 Timothée et Tite (tout comme Tertullien [18]).
Boring donne d’autres arguments, comme l’âge de Timothée, qui serait dans les années 65 trop élevé pour correspondre au propos de 1 Timothée 4.12, qui dit « que personne ne méprise ta jeunesse », et au ton de la lettre, qui vise à donner des instructions à Timothée alors qu’il prêche dans les églises depuis une quinzaine d’années. À quoi pourraient lui servir ces instructions qu’il connaît déjà ? De plus, 2 Timothée 1.5 représenterait mieux la troisième génération, où il y avait des dissensions sur la signification de la continuation de la mission de l’apôtre Paul.
Ces arguments peuvent facilement être contrés. Timothée, s’il avait 20 ans dans les années 50, devait avoir environ 35 ans vers les années 65, ce qui reste un jeune âge pour le poste qu’il occupe. La raison des instructions ne pose pas non plus de problème : elle peut s'expliquer facilement si l’on comprend qu’au moment où il écrit, St Paul ne sait pas dans combien de temps il pourra rejoindre Timothée et qu’il sent qu’il arrive à la fin de son chemin et cherche à établir et fortifier sa succession. Ce point est bien résumé par Kostenberg :
« Timothée et Tite sont souvent considérés comme des pasteurs paradigmatiques (principaux) de congrégations locales. Il convient toutefois de noter que, techniquement, le rôle de Timothée et de Tite n'était pas celui d'un pasteur résident permanent d'une église. Ces hommes étaient plutôt des délégués apostoliques de Paul, temporairement affectés à leur lieu de résidence pour s'occuper de problèmes particuliers qui avaient surgi et nécessitaient une attention spéciale. C'est pourquoi les Pastorales ne sont pas simplement des lettres donnant des conseils aux jeunes ministres ou des manuels d'ordre ecclésiastique. Il s'agit d'instructions de Paul à ses délégués spéciaux, qui se situent vers la fin de l'ère apostolique, à un moment où l'apôtre vieillissant devait se sentir très responsable d'assurer une transition ordonnée entre la période apostolique et la période postapostolique. En tant que tels, ils contiennent des instructions apostoliques pertinentes et faisant autorité pour le gouvernement de l'Église en tout temps et en tout lieu [19]. »
Les autres arguments de Boring concernent des différences entre les Pastorales et les 7 épîtres authentiques. Par exemple, l’épître à Timothée ne commence pas par une action de grâce et elle se termine brusquement avec « la grâce soit avec vous », sans salutations à ceux que Paul connaît dans l’église. Boring dit aussi que les épîtres authentiques ont des salutations finales avec le pronom « vous », et les Pastorales ont aussi le pronom « vous », ce qui ne serait pas normal, car une lettre personnelle aurait dû avoir le pronom au singulier. Encore une fois, ce type d’argument ne tient pas. 1 Timothée et Tite ne commencent pas par une action de grâce, alors que 2 Timothée (que Boring rejette) commence bien par une action de grâce. De plus, l’épître aux Galates, qui est une des sept considérées comme authentiques, ne commence pas non plus par une action de grâce, comme 1 Timothée et Tite. Chercher des différences entre les Pastorales et les 7 épîtres dans les salutations finales n’est pas cohérent, car il n’y avait pas de règle précise pour les salutations finales. On peut le voir en comparant les salutations des épîtres authentiques. Par exemple, l’épître aux Romains 16.25 conclut la salutation par une doxologie, contrairement aux autres épîtres authentiques. Galates 6.11 et 1 Corinthiens 16.21 contiennent une mention de la main de l’auteur, mais pas les cinq autres épîtres. Galates 6.12, 2 Corinthiens 13.11 et 1 Thessaloniciens 5.26 contiennent des éléments d’exhortation, et non les quatre autres épîtres. Ces éléments suffisent à démontrer que les salutations ne sont pas toutes identiques. Comme le dit Stanley E. Porter : « aucune conclusion paulinienne ne comporte tous les éléments possibles que l'on trouve dans les conclusions des lettres [20] ».
Le dernier point de Boring sur le « vous » peut s’expliquer si St Paul voulait que ses épîtres soient lues devant l’église. Lire l’épître devant l’église pourrait aussi expliquer pourquoi St Paul rappelle à Timothée des directives qu’il lui avait probablement dites à l’oral : il voulait que l’église entende un rappel de l’autorité qu’il conférait à Timothée et Tite.
5.Les pastorales se réfèrent aux opposants hérétiques du 2ème siècle.
oring soutient que la mention « d’un seul médiateur entre Dieu et les hommes (1 Timothée 2.5) » est une réponse au gnosticisme du 2e siècle, qui incluait plusieurs médiateurs, argument qu’il applique aussi à 1 Timothée 6.20 (« Ô Timothée, garde le dépôt. Évite les discours creux et impies, les objections d’une pseudo-science ») et aux mentions des débats sur les généalogies (1 Timothée 1.4 ; Tite 3.9), qui seraient une référence au gnosticisme.
Le verset de 1 Timothée 2.5 ne comporte aucun élément propre au 2e siècle. La mention « d’un seul Dieu » existe déjà chez St Paul (Romains 3.30 ; 1 Corinthiens 8.4.6 ; Éphésiens 4.6), et la mention de Jésus comme médiateur, bien qu’étant le seul endroit où St Paul appelle Jésus « médiateur », n’a rien d’anormal. En effet, il utilise lui-même ce terme pour parler de Moïse en Galates 3.19-20. Il faudrait alors expliquer pourquoi St Paul, qui parle de Moïse comme d’un médiateur dans les années 50, ne pourrait pas employer ce même terme dans les années 60 pour le Christ. D’autant plus que St Paul associe ailleurs les termes « homme » et « Jésus Christ » pour développer le rôle unique du Christ (Romains 5.12-21 ; 1 Corinthiens 15.21-22).
Le verset de 1 Timothée 6.20 ne comporte lui non plus aucune caractéristique propre au gnosticisme du 2e siècle. Le contexte plus large des Pastorales, qui sont écrites à Timothée lorsqu’il est à Éphèse et à Tite en Crète, nous montre que des hérésies existaient déjà au 1er siècle. Actes 19.17-19 rapporte qu’il y avait à Éphèse des pratiques de sciences occultes parmi les Juifs et les païens, ce qui correspond probablement mieux au contexte de 1 Timothée 6.20. L’hérésie mentionnée dans les Pastorales provient clairement d’un milieu au moins en partie juif, ou d’une hérésie déjà rencontrée dans les épîtres authentiques. De plus, en examinant les Pastorales, on constate que les hérésies mentionnées viennent des Juifs :
1 Timothée 1.7 critique les docteurs de la loi.
1 Timothée 4.3 parle des tabous alimentaires, propres aux débats du 1er siècle.
2 Timothée 2.17-18 mentionne deux hérétiques niant la future résurrection, problème déjà rencontré à Corinthe (1 Corinthiens 15.1-57) et à Thessalonique (1 Thessaloniciens 4.13-18).
Tite 1.10 dit que les réfractaires proviennent du judaïsme.
Tite 1.14 parle de fables judaïques.
Tite 3.9 évoque les disputes au sujet de la loi, en plus des querelles sur les généalogies.
Il n’y a donc rien qui permette de conclure qu’il s’agit de références aux gnostiques. On peut aussi ajouter que les références aux généalogies ou aux mythes présentes dans les Pastorales ne sont pas utilisées pour décrire les gnostiques du 2e siècle. Comme le souligne Gordon D. Fee : « les termes traduits pour mythes (mythoi) et généalogies (genealogiai) ne sont jamais utilisés dans les descriptions des systèmes gnostiques. Ils apparaissent cependant régulièrement dans l’hellénisme et le judaïsme hellénistique pour faire référence aux traditions sur les origines des peuples [21] ».
6. Les pastorales comprennent des références à l'ordre ecclésiastique et aux offices ecclésiastiques qui ne correspondent pas aux années 60.
L’ordre hiérarchique des Pastorales serait trop développé pour correspondre aux années 60 et correspondrait mieux à une date plus tardive, comme l’époque d’Ignace d’Antioche, où l’on retrouve une triple hiérarchie. Cet argument ne tient pas compte des découvertes de Qumrân. Le Document de Damas nous décrit l’organisation de la communauté : celle-ci doit être composée du surveillant, des prêtres et des lévites :
« Voici la règle concernant le Surveillant d'un camp. Il doit, comme enseignant, faire connaître les œuvres de Dieu aux membres en général, les instruire de Ses puissants miracles, leur rapporter les événements futurs à survenir dans le monde et leurs interprétations ; il doit en prendre soin comme fait un père pour ses enfants, s'occupant de leurs problèmes comme le fait un berger pour son troupeau. Il doit trouver solution à leurs problèmes afin qu'il n'y ait personne d'opprimé ou d'écrasé dans sa congrégation. Il doit examiner quiconque s'ajoute à son groupe quant à ses actions, intelligence, habileté, force et santé, et l'inscrire à sa place selon ce qu'il est dans l'attribution de la Lumière. Aucun membre du camp n'est autorisé à introduire quelqu'un dans le groupe sans la permission du Surveillant du camp ; et aucun membre de l'Alliance de Dieu ne doit faire affaire avec des gens corrompus, si ce n'est (en payant) de main à main. Personne ne doit acheter ou vendre quelque chose sans en avoir informé le Surveillant qui est dans le camp et pris son conseil [de crainte qu'ils errent involontairement. De même] pour tout homme qui [épouse] une femme : qu'il [prenne conseil] (du Surveillant) et que ce dernier [instruise] aussi l'homme qui veut divorcer. Il instruira [les fils et les filles et les jeunes enfants] dans un esprit d'humilité et d'amour de la clémence. Il ne doit pas garder [rancune, avec colère et fureur] de leurs transgressions (CD 13.7-19). »
« La manière d'habiter dans tous les camps. Tous seront rassemblés par leurs noms : les prêtres d'abord, les lévites en second, les fils d'Israël en troisième, les “étrangers” en quatrième (CD 14.3-4). »
Commentant ces passages, John Bergsma dit : « Les structures d'autorité dans la première Église et dans la communauté de Qumrân étaient semblables. Elles consistaient chacune en trois niveaux de gouvernance. À Qumrân, il s'agissait du surveillant, des prêtres et des lévites ; pour les chrétiens, de l'évêque, des presbytres et des diacres. Ils s'inspiraient tous deux de l'Ancien Testament et de son modèle comprenant le grand prêtre, les prêtres et les lévites. Les esséniens convertis au christianisme auraient été habitués à cette structure, et il n'aurait pas fallu beaucoup de temps aux premiers chrétiens pour s'organiser de cette manière, puisque le modèle était déjà établi [22]. »
L’argument de la hiérarchie à trois niveaux doit donc être rejeté.
7. La perspective du pasteur sur le rôle des femmes dans l'église reflète la période après Paul
Boring met en contraste la position des femmes dans les Pastorales et les épîtres qu’il considère comme authentiques. Les versets utilisés sont les suivants :
1 Timothée 2.9 Pareillement, les femmes, (que je veux) en tenue décente, se parant avec pudeur et discrétion, non pas de torsades, ni d'or, ni de perles, ni de vêtements coûteux, mais d'œuvres bonnes, 10 – ce qui convient à des femmes qui font profession de piété. 11 Que la femme reçoive l'instruction en silence, avec une entière soumission. 12 Quant à enseigner, je ne (le) permets pas à la femme, ni de prendre autorité sur l'homme ; mais (elle doit) se tenir dans le silence. 13 Car Adam a été formé le premier, Ève ensuite ; 14 et ce n'est pas Adam qui a été séduit, mais c'est la femme qui, séduite, est tombée dans la transgression. 15 Néanmoins elle sera sauvée par la maternité, pourvu qu'elle persévère dans la foi, la charité et la sainteté, unies à la modestie.
Ces versets qui interdisent aux femmes de parler seraient en contradiction avec des passages des lettres authentiques, comme le dit Boring : « Paul avait enseigné l'égalité essentielle des femmes et des hommes dans la communauté de foi (Ga 3.27-28), avait des collègues et des partenaires féminines dans le ministère qui étaient des leaders dans l'église (Rom 16 ; Phil 4.2-3), et affirmait leurs activités liturgiques, de prédication et d'enseignement (1 Co. 11.5 ; 16.19). »
Et pourtant, il y a bien un verset d’une lettre authentique qui ressemble fortement aux passages de l’épître 1 Timothée : il s’agit de 1 Corinthiens 14.33-36 :
33 car Dieu n'est pas un Dieu de désordre, mais de paix. 34 Comme cela a eu lieu dans toutes les Églises des saints, que vos femmes se taisent dans les assemblées, car elles n'ont pas mission de parler ; mais qu'elles soient soumises, comme le dit aussi la Loi. 35 Si elles veulent s'instruire sur quelque point, qu'elles interrogent leurs maris à la maison ; car il est malséant à une femme de parler dans une assemblée. 36 Est-ce de chez vous que la parole de Dieu est sortie ? ou est-ce à vous seuls qu'elle est parvenue ?
Seulement, Boring rejette ce passage comme étant une probable interpolation. Mais la thèse de l’interpolation ne repose sur aucun manuscrit, car tous les manuscrits ont ces versets, une minorité seulement les plaçant après le verset 40. Bien que les érudits ne soient pas tous d’accord sur l’authenticité du passage, l’absence de manuscrits me semble faire largement pencher la balance en faveur de l’authenticité [23]. Toutefois, même si nous devions considérer le passage comme inauthentique, cela ne devrait pas nous conduire de facto à rejeter la paternité des Pastorales. En effet, l’érudit qui a très certainement le plus popularisé l’argument de l’inauthenticité de 1 Corinthiens 14.33-36 est Gordon D. Fee qui est d’ailleurs cité par Boring et d’autres, comme Ehrman. Et pourtant Fee ne rejetait pas la paternité des Pastorales, car il déclarait dans son commentaire sur les Pastorales : « en fin de compte, la solution traditionnelle, malgré les difficultés, semble encore être la meilleure. [24] »
Ceci étant dit, nous devons nous demander comment comprendre 1 Timothée 2.9-15. Georges T. Montague [25] met en avant la distinction que saint Paul opère entre un enseignement officiel et non officiel. L’enseignement non officiel peut provenir d’un cadre privé ou faire référence à la prière ou à la prophétie, même venant d’une femme. Dans Romains 16, il y a plusieurs femmes qui sont des collaboratrices de saint Paul ; en Actes 18. Aquila et Priscille enseignent ; en Tite 2.3-4, des femmes sont chargées d’enseigner les plus jeunes femmes ; et Timothée lui-même a probablement été enseigné par sa grand-mère en 2 Timothée 1.5. L’enseignement officiel, auquel doit être soumise la femme, provient d’un homme qui enseigne avec autorité dans l’église. En comprenant cette distinction, nous n’avons aucune raison de penser qu’il s’agit d’une contradiction avec les épîtres authentiques.
8. Les pastorales reflètent et interagissent avec les mouvements ultérieurs du Nouveau Testament et la littérature actuelle après l'époque de Paul.
Sur ce sujet, Boring établit des parallèles entre les Pastorales et les écrits johanniques. Il met en avant que le courant johannique s’est centré à Éphèse après la guerre de 66-70 et que les parallèles présents dans les Pastorales proviennent de ce courant et sont donc postérieurs à 70. Les parallèles sont les suivants :
1 Timothée 1.15 utilise l’expression « Christ Jésus est venu dans le monde », qui n’apparaît nulle part ailleurs dans les écrits pauliniens mais apparaît dix fois dans les écrits johanniques.
Tite 3.5 fait référence à la combinaison de l’eau, de l’Esprit et de la nouvelle naissance, qui a son parallèle le plus proche en Jean 3.5.
La doxologie de 1 Timothée 6.13 est plus proche des hymnes de l’Apocalypse que des doxologies de St Paul.
Le premier problème avec les arguments de Boring est que les sources ne nous permettent pas d’être catégoriques sur l’existence d’une communauté ou de la non présence de St Jean à Éphèse avant 70. Dans les sources patristiques, on sait que St Jean a été à Éphèse après la mort de Domitien jusqu’à l’époque de Trajan, mais aucune ne permet d’écarter une présence de St Jean à Éphèse avant 70, ce qui pourrait expliquer les parallèles entre les Pastorales et les écrits johanniques. Une petite minorité d’érudits place l’évangile de Jean avant 70, ce qui, aussi, pourrait expliquer les parallèles. Par exemple, Jonathan Bernier, qui date l’évangile de Jean avant 70, nous dit que la chronologie de la tradition johannique s'accorde aussi bien avec une chronologie basse, moyenne ou haute : « débarrassés de ces liens ténus avec les dates absolues, nous pouvons affirmer pratiquement n'importe quelle théorie sur le développement de la tradition johannique et constater qu'elle s'accorde aussi bien avec une chronologie inférieure, moyenne ou supérieure [26]. »
Mais même en plaçant les écrits johanniques à la fin du 1er siècle (comme j'ai tendance à le croire), nous pouvons donner des explications. Pour Donald Guthrie [27], l’expression « venu dans le monde » provient de la source qui a formé le 4e évangile et non du 4e évangile directement. Robert Yarbrough, qui a écrit un livre sur les « traditions préformées » des épîtres Pastorales, conclut que les passages de 1 Timothée 1.15 et 6.13 sont des traditions préformées [28]. Ce point est d'après Yarbrough, confirmé car 1 Timothée 1.15 est introduit par une formule introductive « voici une parole digne de foi », ce qui reflète une parole connue de la tradition. Pour 1 Timothée 6.13, Yarbrough y voit une tradition liturgique et confessionnelle, marquée par la charge solennelle « devant Dieu et devant le Christ » et par la référence à la « bonne confession », signes d’un matériau préexistant utilisé dans les contextes communautaires comme le baptême ou l’ordination.
En plus de toutes les occurrences chez St Jean de l’expression « venu dans le monde », on peut voir que l’expression « dans le monde » est aussi utilisée par St Paul en Romains 5.12, bien que dans un contexte différent. Luc 19.10 présente également des parallèles avec 1 Timothée 1.15 pour les mots « venu » et « sauver », ainsi que des synonymes (« Jésus-Christ » / « Fils de l’homme », « les pécheurs » / « ce qui était perdu »), ce qui peut là aussi, appuyer l’existence d’une tradition dans laquelle St Paul a puisé.
1 Timothée 1.15 C'est là une parole sûre et digne d'un entier assentiment : le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, dont je suis le premier.
Luc 19.10 Car le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu.
Romains 5.12 Ainsi donc, comme par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort... Et ainsi la mort a passé dans tous les hommes, parce que tous ont péché.
Quoi qu’il en soit, il est tout à fait plausible que St Paul ait eu au minimum accès à une tradition racontant que Jésus est venu dans le monde. Il ne faut pas oublier que St Paul lui-même utilise des traditions, comme il le fait en 1 Corinthiens 11.23 ; 15.3-5. De plus en Galates 2.9, St Paul a rencontré en personne l’apôtre Jean. Et il est aussi possible que St Paul ait connu Jésus de son vivant. Par exemple, 2 Corinthiens 5.16 dit : « et si nous avons connu le Christ selon la chair », ce qui pourrait être la preuve que Paul a entendu Jésus de son vivant [29]. Il ne faut pas oublier que Jésus et Paul étaient contemporains (tous deux nés entre 5 av. J.-C. et 10 ap. J.-C. environ), et qu’ils se trouvaient à Jérusalem lors des grandes fêtes, à l’époque du ministère de Jésus (28–33). St Paul, qui était un pharisien formé à Jérusalem sous Gamaliel (Actes 22.3), était donc déjà actif dans les débats religieux vers l’an 30 ap. J.-C. et suffisamment connu pour avoir reçu des lettres l'autorisant à persécuter des chrétiens vers le milieu des années 30. C'est pour ses raisons que Stanley Porter pense que 1 Timothée 1.15 est une parole que St Paul aurait directement pu entendre à l’époque de Jésus « Paul a peut-être entendu Jésus prononcer quelque chose dans ce sens à un moment donné du ministère terrestre de Jésus. Si nous admettons que Paul et Jésus étaient contemporains et vivaient en Palestine à la même époque, il est possible que Paul - même en tant qu'adversaire - ait entendu Jésus parler à l'occasion et que, après sa conversion, il se soit souvenu de certaines déclarations de Jésus, y compris d'une déclaration comme celle-ci qui reflète un enseignement que Jésus a pu prononcer à plus d'une occasion [30] »
Ces points sont suffisants pour établir des traditions sur Jésus qui circulaient et qui peuvent expliquer les parallèles entre les Pastorales et les écrits johanniques.
Ce raisonnement peut aussi s’appliquer à 1 Timothée 6.13, qui parle de la confession de Jésus sous Ponce Pilate, que certains identifient comme une référence à Jean 18.34-36. St Paul n’avait pas besoin d’un texte écrit pour savoir que Jésus avait parlé avec Pilate. Lui qui dès les débuts a persécuté l’église et dès les années 30 a rencontré plusieurs témoins du ministère de Jésus, pouvait avoir accès à ce genre d’information. Le dernier parallèle entre Tite 3.5 et Jean 3.5 ne prouve pas non plus une dépendance de l’épître à Tite sur l’évangile de Jean, car on peut trouver un parallèle entre une épître authentique de Paul et un écrit provenant des cercles johanniques, à savoir l’Apocalypse. En 2 Corinthiens 11.2, St Paul fait référence au Christ comme l’époux avec qui l’église de Corinthe est mariée. Ce type de référence au Christ comme l’époux marié à l’église n’existe ailleurs que dans Éphésiens 5.24-27 et Apocalypse 19.7-9 & 21.1-2. Nous avons donc un thème dont la plus ancienne référence se retrouve chez St Paul et plus tard dans un texte johannique. Pourquoi alors les parallèles entre les Pastorales et les écrits johanniques seraient-ils une preuve que les Pastorales viennent après Jean, alors qu’on trouve une thématique unique entre un texte johannique et paulinien et qu’ici c’est le texte paulinien qui est antérieur ?
9. Le style et le vocabulaire des pastorales indiquent un cadre post-paulinien.
L’argument du vocabulaire est sûrement celui qui a poussé beaucoup d’érudits à accepter que les lettres ne sont pas de St Paul. Cet argument a connu un grand succès en 1921 avec la publication de l’étude de Percival Neale Harrison. Il consiste à mettre en avant que les épîtres pastorales font usage de 902 mots dont 54 sont des noms propres. Parmi les 848 restants, 306 n’apparaissent pas dans les 10 autres lettres pauliniennes. Sur ces 306 mots, 175 au moins n’apparaissent nulle part ailleurs dans le Nouveau Testament, ce qui montrerait que St Paul n’aurait jamais pu écrire ces trois lettres.
Ces arguments peuvent sembler impressionnants en apparence, mais ils présentent plusieurs défauts et plusieurs explications sont possibles. L’une des explications est de penser que St Paul a utilisé un secrétaire. Plusieurs auteurs ont soutenu que St Luc pourrait être le scribe qui a aidé St Paul à écrire les Pastorales.
Les Pastorales ont plusieurs points communs avec les écrits lucaniens : 34 mots apparaissent uniquement dans Luc/Actes et les Pastorales, 27 apparaissent dans Luc/Actes et les Pastorales et très rarement dans le reste du Nouveau Testament, et plusieurs traits stylistiques se trouvent presque exclusivement dans Luc/Actes et les Pastorales [31].
Ces éléments poussent Ben Witherington à dire « les termes, expressions et idées partagés indiquent plutôt l’implication des deux hommes [32] ».
D’autres données viennent aussi affaiblir l’argument de Harrison, sur les 175 hapax des pastorales environ 80 se trouvent dans la LXX, ce qui montre une familiarité avec la LXX comme pour l’auteur de Luc/Actes. Au final St Paul utilise 2177 mots dans ses autres lettres et comme le disent Carson et Moo « s’il pouvait utiliser 2177 mots, il n’y a pas de raison de penser qu’il ne pouvait pas en utiliser 306 de plus [33] ».
Ces éléments mettent en avant que l’on peut trouver des raisons de douter de la force des arguments d’Harrison. Mais la meilleure réfutation nous vient du professeur Jermo Van Nes, qui a étudié le langage des Pastorales en utilisant les méthodes récentes d’analyse linguistique développées par les spécialistes. La méthode qu’il emploie est appelée « analyse de régression linéaire ». Dans son étude, il prend comme variable indépendante (x) le nombre total de mots d’une lettre et comme variable dépendante (y) le nombre de hapax. Il se fonde pour cela sur les sept épîtres reconnues comme authentiques de St Paul comme point de départ. Cette approche permet d’établir une droite de tendance et de calculer un intervalle de prédiction (valeurs minimale et maximale), afin de déterminer si chaque lettre se situe dans la plage attendue ou s’en écarte de façon significative. Lorsque l’on applique cette méthode, on part avec les données suivantes [34] :
Romains 7111 mots - 281 hapax
1 Corinthiens 6830 mots - 255 hapax
2 Corinthiens 4477 mots - 177 hapax
Galates 2230 mots - 91 hapax
Philippiens 1629 mots - 75 hapax
1 Thessaloniciens 1481 - mots 36 hapax
Philémon 335 mots - 10 hapax
Éphesiens 2422 mots - 86 hapax
Colossiens 1582 mots - 63 hapax
2 Thessaloniciens 823 mots - 21 hapax
1 Timothée 1591 mots - 131 hapax
2 Timothée 1238 mots -102 hapax
Tite 659 mots - 51 hapax
Le résultat que nous avons montre que les deux épitres à Timothée sortent de l’intervalle et que Tite entre dans l’intervalle [35] :

Toutefois Van Nes apporte quelques points supplémentaires en expliquant que plusieurs facteurs doivent être pris en compte sur le taux d’hapax de chaque épître [36]. Certains des hapax sont dus à des citations de l’AT (LXX) et ne doivent pas être pris en compte.
D’autres hapax comme les noms propres (nom de personne et lieu) doivent aussi être exclus, ce qui représente 113 hapax dans le corpus paulinien. La troisième catégorie concerne les mots composés avec des affixes, par exemple en 2 Timothée 3.9 nous trouvons le mot ἔκδηλος qui est considéré comme un hapax car il apparaît une seule fois dans le NT, pourtant nous trouvons le mot "δῆλος" en 1 Corinthiens 15.27 et Galates 3.11 qui est le même mot sans l’affixe "ἔκ". Comme l’explique Van Nes la productivité d’un auteur permet d’utiliser des mots nouveaux avec un affixe sans que cela soit une preuve d’un langage différent, ces mots doivent donc être rejetés.
Si nous retirons tous ces hapax nous avons les données suivantes [37] :
Romains 7111 mots 157 hapax
1 Corinthiens 6830 mots 214 hapax
2 Corinthiens 4477 mots 138 hapax
Galates 2230 mots 51 hapax
Philippiens 1629 mots 63 hapax
1 Thessaloniciens 1481 mots 31 hapax
Philémon 335 mots 5 hapax
Éphesiens 2422 mots 72 hapax
Colossiens 1582 mots 49 hapax
2 Thessaloniciens 823 mots 16 hapax
1 Timothée 1591 mots 105 hapax
2 Timothée 1238 mots 78 hapax
Tite 659 mots 41 hapax
Et en appliquant une analyse de régression linéaire les résultat sont les suivants [38] :

Nous pouvons constater que le langage des pastorales ne diffère pas des autres épitres, Van Nes conclut en disant "Et si, par conséquent, l'argument linguistique ne peut plus servir d'argument le plus pressant dans le débat sur la paternité des pastorales, on devrait considérer l'idée que la soit disant conclusion évidente de la pseudonymie des Pastorales comme insuffisante face à l'évidence linguistique [39]". D'autres érudits ont commenté l'étude de Van Nes, par exemple le professeur Osvaldo Padilla a déclarer "le travail récent de van Nes est à ce jour la réfutation la plus sophistiquée de l'argument linguistique contre la paternité paulinienne des Pastorales [40]". Douglas J. Moo dit sur le livre de Van Nes "Une analyse linguistique récente, particulièrement minutieuse, jette un sérieux doute sur la question de savoir si les Pastorales, en tant que groupe, se distinguent, en termes de langue, des autres lettres pauliniennes [41]". Stanley E. Porter dit " [...] en termes de portée, Van Nes fournit l'analyse univariée la plus complète de la signification des types de caractéristiques traditionnellement décrites dans les discussions linguistiques sur la paternité paulinienne [42]". Même Benjamin L. White qui n'accepte pas l'authenticité de 1 Timothée mais accepte l'authenticité de 2 Timothée et Tite reconnait l'importance du travail de Van Nes "Jermo van Nes a récemment décrit de manière exhaustive les échecs des analyses stylistiques antérieures des Pastorales [43]".
Raymond Brown, Que Sait-on du Nouveau Testament, chap 30
Ibid
Eugene Boring dans An Introduction to the New Testament, chap 16
1 Timothée 1.3 présente St Paul comme ayant quitté Éphèse pour la Macédoine en ayant laissé Timothée en charge avec l'intention de revenir bientôt (1 Timothée 3.14) alors que dans Actes 19.22 ce n'est pas St Paul qui s'est rendu en Macédoine mais Timothée et St Paul qui est resté à Éphèse. En Tite 1.5 il est supposé que St Paul et Tite ont mené une longue mission en Crète alors que les Actes et autres lettres pauliniennes ne mentionnent pas de voyage en Crète. 2 Timothée 1.8 parle de St Paul en prison et cet épisode ne correspond à aucune des données des Actes ou de ses lettres. 2 Timothée3.10-11 indique que Timothée a observé les souffrances de St Paul à Antioche alors que dans les Actes il n'était pas présent à ce moment.
En 2 timothée 1.15 ; 4.10-11 ; 16 tous les collaborateurs de St Paul à l'exception de St Luc l'ont abandonné alors que dans la même lettre St Paul envoie les salutations de 4 collaborateurs et de tous "les frères" (2 timothée 4.21). Il demande à Timothée d'apporter des livres et un manteau (un voyage de plusieurs semaines de la mer Égée à Rome) et de venir avant que les tempêtes ne rendent le voyage impossible ce qui donne l'impression qu'il prévoit encore un long séjour en prison. En Tite 3.12 Tite doit arriver le plus rapidement possible alors qu'en 1.5 il doit parcourir les villes de Crète et nommer des évêques ancien dans chaque église ce qui est typique des lettres pseudépigraphiques et contribuent au réalisme du document mais ne s'inscrit pas dans le cadre de l'histoire factuelle.
En Tite 3.3 Paul parle de lui avant sa conversion en se décrivant comme ayant été "insensés, désobéissants, séduits et asservis par toutes sortes de passions et de plaisirs" ce qui contraste avec 1 Corinthiens 6.9-11 où St Paul ne s'inclut pas. En 1 Timothée 1.16 St Paul utilise son ancienne vie comme exemple d'avant et après ce qui ne correspond pas aux donnés où il décrit son ancienne vie comme juste et irréprochable (Philippiens 3.4-11 & Actes 23.1) et cette pratique d'avant/après et typique de la prédilection des églises hellénistiques après l'époque de St Paul. Dans les lettres authentiques St Paul a insisté sur le fait qu'il était un authentique apôtre aux cotés d'autres apôtres (1 Corinthiens 3.21-23 ; 15.3-11 ; Philippiens 1.15-18) alors que dans les Pastorales St Paul représente une tradition plus tardive ou d'autres formes de foi apostolique ne sont pas reconnues.
Si St Paul est l'auteur alors ce serait les seules lettres personnelles à des individus contrairement à toutes les autres de St Paul. 1 timothée 1.3 commence brusquement par un commandement sans l'action de grâce, le premier commandement ordonne à un missionnaire vétéran de demander à « certaines personnes » de ne pas enseigner de doctrine différente de la tradition paulinienne (voir 3 : 14 ; 4 : 13-15). On doit se demander quelle fonction de telles instructions auraient dans une vraie lettre, compte tenu de la brève absence de Paul. De même, les instructions sur la sélection des évêques et des diacres dans 3: 1-14 indiquent que Paul espère rejoindre Timothée bientôt, mais en attendant donne des instructions «sur la façon dont on doit se comporter dans la maison de Dieu». Il ne s'agit pas d'instructions provisoires à court terme. En tout cas, on se demande pourquoi Timothée ne savait pas déjà ces choses, et, sinon, pourquoi Paul ne lui a-t-il pas dit quoi faire avant de le laisser aux commandes ? Le ton pédagogique n'est guère approprié ; en 65 EC, Timothée aurait plus de quinze ans d'expérience en tant que lieutenant de confiance de Paul. Paul l'avait envoyé à Thessalonique et à Corinthe pour régler les problèmes, puis avait envoyé Tite à Corinthe, qui a résolu le problème. Les pastorales contiennent tout au long des instructions élémentaires appropriées comme manuel pour la formation de nouveaux ministres, des directives faisant autorité pour les ministres en tant que classe et des instructions à l'église concernant leurs qualifications et leurs fonctions. Une telle instruction n'est pas appropriée dans de vraies lettres entre collègues. Timothée en tant que jeune homme, bien qu'il aurait été un adulte chevronné et mature dans la prétendue situation dans les années 60, qui avait déjà fait ses preuves en traversant de nombreuses crises avec Paul « Que personne ne méprise votre jeunesse » est approprié comme conseil pastoral d'un pasteur plus âgé à un novice. Ce n'est pas approprié au vrai Paul et Timothée; ni "mon enfant" de 2 Timothée 1:2 et 1:5; ou "évite les passions de la jeunesse" de 2 Timothée 2:22.
Dans 1 Timothée 1:12-17, la description détaillée de la conversion de Paul et (en tant qu'événement distinct) de sa nomination comme apôtre est compréhensible comme une instruction pour les églises pauliniennes de la troisième génération. Mais pourquoi le vrai Paul dirait-il au vrai Timothée le sens de sa conversion, dans une lettre écrite pendant une brève absence, après qu'ils aient travaillé ensemble pendant plusieurs années ? 1 Timothée 2 :7, « Je suis un apôtre, je dis la vérité, je ne mens pas », fait écho à la passion de Paul alors qu'il fait appel à ses églises contre les fausses accusations. Il convient aux congrégations de la troisième génération en ce qu'il maintient la revendication apostolique faite par Paul en continuité avec les autres lettres du corpus paulinien. Il n'est guère approprié dans le cadre d'une lettre personnelle à un vieil ami et collègue. Timothée et Tite ne contiennent aucune nouvelle de la propre situation de Paul. D'abord Timothée se termine brusquement, avec "La grâce soit avec vous", Sans salutations à ceux que Paul connaît à Ephèse, où il avait passé plus de temps que dans toute autre église. Le « vous » dans les salutations finales est toujours au pluriel. Les salutations d'ouverture évitent soigneusement le pronom singulier "tu" (σοι), et les prétendues lettres aux individus ne peuvent pas avoir le pluriel (ὑμȋν); cela en fait les seules lettres de la tradition paulinienne qui n'ont pas de pronom d'adresse directe dans la salutation. Ainsi, les lettres ont été écrites à un collectif, au ministère et à l'église en général, destinées non pas à une lecture privée par Timothée et Tite, mais à une lecture publique dans l'église, avec les autres lettres du corpus paulinien. L'auteur utilise la technique littéraire d'une lettre ouverte, pour une église qui admire Paul et ses collègues, et regarde en arrière sur lui et eux comme des héros de la foi, une église qui veut suivre leurs instructions pour leur situation future. Les lettres ont le ton approprié pour le but pour lequel elles ont été composées, mais ne sont pas appropriées en tant que lettres personnelles.
Que Timothée représente la troisième génération est clair dans 2 Timothée 1:5. La situation présupposée de l'Église est différente de celle de l'époque de Paul, et plus proche du monde reflété dans les écrits chrétiens après l'époque de Paul : l'Apocalypse, les Évangiles et les Lettres de Jean, Ignace, Polycarpe. Au sein des églises pauliniennes de la troisième génération, il y a des dissensions sur ce que signifie continuer la mission paulinienne après la mort de leur leader charismatique. Qui sont les héritiers et interprètes légitimes de la tradition paulinienne ? C'est le sens du premier vers de chacune des lettres, précisant que Timothée et Tite sont γνήσιος (gnēsios, légitime) et ἀγαπητός (agaptēos, aimé dans le sens d'élu, autorisé). Ce que Paul a commencé à la première génération, représentée par les lettres du corpus paulinien, est maintenant poursuivie par ses représentants autorisés dans les Lettres pastorales.
L'auteur dépeint l'Esprit à l'époque de Paul comme prédisant les troubles de l'église, une époque où il y aurait diverses revendications pour être conduit par l'Esprit, et un éventail d'enseignements revendiquant l'autorité de Paul (1 Tim 4 : 1), une époque où l'Église aurait besoin du discernement d'enseignants fidèles de la tradition paulinienne pour protéger la communauté des erreurs d'initiés bien intentionnés. Le débat interne sur l'admission des Gentils non circoncis à l'église n'est pas mentionné, c'est apparemment une question du passé. L'insistance sur la foi en un Dieu unique, et qu'il n'y a qu'un seul médiateur entre Dieu et l'humanité et que ce médiateur est Jésus, le véritable être humain, semble indiquer les systèmes gnostiques impliquant une série complexe de médiateurs entre le monde divin et le monde humain. Cela pourrait alors signifier que les «généalogies» des enseignants rivaux se réfèrent à des interprétations allégoriques qui pointent vers le monde transcendant, plutôt qu'aux figures bibliques représentées par les tableaux généalogiques de l'Ancien Testament. Il est d'ailleurs possible que 1 Timothée 6.20 soit une référence à Marcion, la connaissance pourrait être le gnosticisme.
Certaines constructions établissent un ordre hiérarchique clair du triple ministère que l'on trouve dans les lettres d'Ignace et dans l'église ultérieure, dans laquelle un évêque monarchique local préside un conseil de prêtres (anciens) et de diacres, avec un ordre auxiliaire de veuves et de jeunes célibataires. femmes qui se sont engagées dans le célibat au service de l'Église. Le rôle de Timothée et Tite dans cette structure en développement n'est pas non plus clair. Puisqu'ils choisissent et ordonnent des évêques, des prêtres et des diacres, et qu'ils peuvent entendre des accusations portées contre eux (1 Tim 5 :19-25 ; Tite 1 :5), ils semblent représenter une fonction plus élevée que celle de l'évêque. Cette ligne de pensée ferait de Timothée et de Tite des archevêques, avec le pasteur lui-même le «pape» des églises pauliniennes. Cela pousse sans aucun doute les images trop loin. Dans le monde fictif projeté par les lettres, Timothée et Tite, comme Paul lui-même, sont des prototypes de ministres à tous les niveaux, car ils sont des modèles pour les croyants et ne correspondent à aucune fonction supérieure dans le monde réel des églises auxquelles les pastorales sont adressées.
Paul avait enseigné l'égalité essentielle des femmes et des hommes dans la communauté de foi (Ga 3 :27-28), avait des collègues et des partenaires féminines dans le ministère qui étaient des leaders dans l'église (Rom 16 :1, 3, 7 ; Phil 4 : 2-3), et affirment leurs activités liturgiques, de prédication et d'enseignement (1 Co 11, 5 ; 16, 19). Le seul texte dans les lettres incontestées qui restreint les rôles de leadership des femmes est probablement une interpolation (voir ci-dessus sur 1 Cor 14: 34-35). Le pasteur, cependant, a un point de vue très différent - et réactionnaire - apparemment en réponse à ce qu'il considérait comme des développements malsains et dangereux dans les églises pauliniennes de son temps. Il présuppose que les prêtres/évêques seront des hommes mariés qui sont les chefs de famille (1 Tim 3 :1-7 ; Tite 1 :5-9). Il donne des instructions pour le service d'adoration, dans lequel les hommes doivent prier et les femmes doivent garder le silence, avec une justification théologique basée sur l'ordre de la création et les rôles différents d'Adam et Eve dans leur réponse à Satan le trompeur (1 Tim 2 :1–15).
Après la guerre de 66–70 CE, le courant johannique de la tradition était centré à Éphèse (voir ci-dessous §25.3.2). Il y avait des interactions personnelles et littéraires entre les deux traditions. Les pastorales ont été influencées par les problèmes, les préoccupations et les conflits vivants dans les traditions johanniques, reflétant et adoptant une partie de leur vocabulaire et de leur conceptualité. Des expressions telles que εἰς τòν κόσμον 1 Tim 1:15 ne se trouvent pas chez Paul mais apparaissent neuf fois dans le Quatrième Évangile et une fois dans 2 Jean 10. La combinaison de l'eau, de l'Esprit , et la nouvelle naissance dans Tite 3 :5 ne se trouve pas chez Paul mais a son parallèle le plus proche dans Jean 3 :3-5. La doxologie de 1 Timothée 6:15 est plus proche des hymnes de l'Apocalypse que des doxologies de Paul.
Les Pastorales contiennent un total de 3 484 mots, composés d'un vocabulaire de 902 mots différents, dont 54 sont des noms propres. De ces 902 mots, 175 n'apparaissent nulle part ailleurs dans le Nouveau Testament. Plus important encore, 335 ne se trouvent pas dans les lettres pauliniennes incontestées. Si Colossiens, Ephésiens et 2 Thessaloniciens sont considérés comme pauliniens, les pastorales contiennent encore 306 mots distinctifs. Ainsi, environ un tiers du vocabulaire des Pastorales est composé de mots que Paul n'a jamais utilisés dans aucune des autres lettres de la tradition paulinienne.
Michael R. Licona, The Resurrection of Jesus A New Historiographical Approach, pp249-255 ; Jonathan Bernier, Rethinking the Dates of the New Testament
Philippe Rolland, La succession apostolique dans le Nouveau Testament
Ibid p93
S. de Lestapis, L'énigme des Pastorales, p101 & 169
Georges T. Montague, commentaire sur 2 Timothée 1.15 dans First and Second Timothy, Titus
Tertullien, contre Marcion 5.21
Kostenberg, Quarles & Kellum, The Cradle, the Cross, and the Crown: An Introduction to the New Testament, chap15
Stanley E. Porter, The Pastoral Epistles: A Commentary on the Greek Text, p101
Gordon Fee, commentaire sur 1 Timothée 1.4 dans 1 and 2 Timothy, Titus
John Bergsma, Jésus et les manuscrits de la mer morte, p262
Pour une défense de l'authenticité de ces versets voir D. A. Carson Silent in the Churches”: On the Role of Women in 1 Corinthians 14:33b-36 ; David E. Garland et son commentaire sur 1 Corinthiens 14.33-36 dans 1 Corinthians Baker Exegetical Commentary on the New Testament
Gordon Fee, 1 and 2 Timothy, Titus, introduction
Georges T. Montague, commentaire sur 1 Timothée 2.9 dans First and Second Timothy, Titus
Jonathan Bernier, Rethinking the Dates of the New Testament: The Evidence for Early Composition, p104 ; Pour une date précoce de Jean voir aussi Daniel Wallace https://bible.org/seriespage/gospel-john-introduction-argument-outline ; George van Kooten https://bnts.org.uk/wp-content/uploads/2024/08/BNTC-2024-Handout-George-van-Kooten.pdf
Donald Guthrie, commentaire sur 1 Timothée 1.15 dans The Pastoral Epistles 2nd Edition
Robert Yarbrough, Paul's Utilization of Preformed Traditions in 1 Timothy, pp 66-71 & 134-141
Stanley E. Porter, When Paul met Jesus, pp105-119
Stanley E. Porter, The Pastoral Epistles: A Commentary on the Greek Text, p180
Voir Stephen G. Wilson, Luke and the Pastoral, pp5-11. Il est important de noter que Wilson ne coryait pas que l'auteur de Luc/Actes et Luc le médecin mais un inconnu qui a écrit Luc/Actes et les pastorales. D'autre ont une approche différentes, par exemple Georges T. Montague, First and Second Timothy, Titus, Introduction ; Ben Witherington, Letters and Homilies for Hellenized Christians: A Socio-Rhetorical Commentary on Titus, 1-2 Timothy and 1-3 John, Introduction ; Graham Simpson, 1-2 Timothy and Titus: An Exegetical and Contextual Commentary, Introduction
Ben Witherington, Letters and Homilies for Hellenized Christians: A Socio-Rhetorical Commentary on Titus, 1-2 Timothy and 1-3 John, Introduction
Donald A. Carson & Douglas J. Moo, Introduction au Nouveau Testament, p518
Jermo Van Nes, Pauline Language and the Pastoral Epistles: A Study of Linguistic Variation in the Corpus Paulinum, p143
Ibid, p143
Ibid, pp145-151
Ibd, p152
Ibid
Ibid, p224
The Pastoral Epistles: An Introduction and Commentary, Introduction
Douglas J. Moo, A Theology of Paul and His Letters, chap14 note 3
Stanley E. Porter, The Pastoral Epistles: A Commentary on the Greek Text, p53
Benjamin L. White, Letters to Paul’s Associates in The Cambridge Companion to the New Testament, p266




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