Gadara, Gerasa, Gergesa un problème géographique dans les synoptiques ?
- ProEcclesia bloger
- 21 sept. 2020
- 6 min de lecture

Le miracle de la guérison d'un démoniaque
(Traduction TOB)
Matthieu 8.28 Comme il était arrivé de l’autre côté, au pays des Gadaréniens, vinrent à sa rencontre deux démoniaques sortant des tombeaux, si dangereux que personne ne pouvait passer par ce chemin-là.
Marc 5.1 Ils arrivèrent de l’autre côté de la mer, au pays des Géraséniens.
Luc 8.26 Ils abordèrent au pays des Gergéséniens qui est en face de la Galilée.
Dans cet épisode Jésus chasse plusieurs démons qui vont dans un troupeau de porcs et les entrainent du haut d'une falaise jusque dans la mer. Ce récit pose plusieurs difficultés, la première est textuelle puisque les manuscrits et le Pères de l'église divergent sur le lieu de l'événement, ce récit est mentionné soit à Gadara, soit à Gérasa ou à Gergésa. Origène connaissait les trois lectures mais ne donne pas d'indication précise pour savoir ce que contenait Matthieu, Marc et Luc comme lecture. St Épiphane semble mentionné Gergesa pour Marc, Gérasa pour Luc, Gadara pour Matthieu et quelques copies de Matthieu qui ont aussi Gergesa. Au niveau des manuscrits nous avons [1] : Pour Matthieu
En faveur de Gadara, 01*, B, C, M, DGr, Q, S, 174(=f13), 1010, pc, Sy, Epiph
En faveur de Gergesa, 01C2, L, W, X, f1, f13, 22, 157, 372, 700, 892, 2737, Maj, Sy-Hmg, Sy-Pal, bo, goth, Or
En faveur de Gérasa, 892C, d, Latt, Sy-Hmg, sa, mae-1+2
Pour Marc
En faveur de Gadara, A, C, f13, 157, 1342, 2786, Maj, Sy-P, Sy-H, goth
En faveur de Gérasa, 01*, B, D, Latt, sa
En faveur de Gergesa, 01C2, L, U, (W), D, Q, f1, 22, 28, 33, 372, 517, 565, 700, 892, 954, 1071, 1241, 1424, 1675, 2737, 2766, pc50, Sy-S, bo, arm, geo, aeth, Epiph
Pour Luc
En faveur de Gadara, A, R, W, DGr, Y, 0135, f13, 700C, 1071, 892, Maj, Sy, goth
En faveur de Gérasa, P75, B, D, 0267, Latt, Sy-Hmg, sa, boms, Epiph
En faveur de Gergesa, 01, L, X, Q, X, f1, 22, 33, 157, 579, 700*, 1241, 1342, pc, bo, Sy-Pal, arm, geo, Eus
Maintenant nous devons regarder les lectures qui sont généralement choisit :
Nestle Aland 28 :
Matthieu - Gadara
Marc - Gérasa
Luc - Gérasa
Tyndale House Greek NT :
Matthieu - Gadara
Marc - Gérasa
Luc - Gérasa
SBL Greek NT :
Matthieu - Gadara
Marc - Gérasa
Luc - Gérasa
The New Testament in the Original Greek: Byzantine Textform :
Matthieu - Gergesa
Marc - Gadara
Luc - Gadara
Wieland Willker Textual Commentary on the Greek Gospels :
Matthieu - Gadara
Marc - Gergesa (légère préférence contre Gérasa)
Luc - Gergesa (légère préférence contre Gérasa)
D'après Willker, si les synoptiques avaient à la base la même lecture elle ne peut être que Gergesa. Cette lecture est géographiquement la plus cohérente, Pourquoi ? Parce que Gerasa est à 60km du lac de Galilée dans lequel les porcs ce sont probablement noyés, Gadara est à 8km du lac et Gergesa est située sur la rive est du lac. C'est le seul endroit de la côte présentant une falaise qui donne sur la mer [2].

Si on suit la lecture commune entre les synoptiques (Gergesa) alors on a le lieu géographique approprié pour le miracle, c'est l'avantage de cette lecture. Cependant accepter la lecture "Gergesa" pour les trois synoptiques ne semblent pas faire concensus comme on peut le voir plus haut. Si on part du principe qu'on a les bonnes lectures avec la 28ème édition de Nestle Aland comment expliquer que Matthieu donne le nom d'une ville différente par rapport à Marc et Luc ? Dans le texte grec les synoptiques ne parlent pas de "ville" quand ils mentionnent Gadara et Gérasa, le terme utilisé est "χώρα" qui signifie "région, territoire [3]", Matthieu, Marc et Luc pourraient bien avoir utilisés ce terme pour paler d'un territoire plus vaste, "région des Gadaréniens" pourrait désigner plusieurs villes de la décapole, idem pour Gérasa. Les spécialistes sont divisés sur la question, Gleason L.Archer pense que Gadara était la lecture originale et était probablement la capitale de la décapole, la mention de la "région des Gadaréniens" par Matthieu désignait donc un territoire plus vaste qui comprenait les rives du lac de Galilée, sa position sur Gadara comme lecture originale pour les trois synoptiques est peu probable mais son point de vue permet d'expliquer la mention de Gadara en Matthieu : Il est donc tout à fait possible que le contrôle politique de cette région ait été centré à Gadara, la capitale. C'est pourquoi elle serait appelée "le pays des Gadaréniens", même si Gadara elle-même se trouvait au sud de la rivière Yarmuk. Bien que Marc et Luc désignent tous deux Gérasa, la nette préférence devrait être donnée à Gadara en raison de sa plus grande proximité avec Généssaret. Aucun des évangiles synoptiques ne soutient fortement Gergesa, bien que Gergesa bénéficie de l'avantage distinct d'être situé sur la rive orientale de Gennésaret, à environ un tiers de la descente de l'extrémité nord du lac. [4] Paul Rhodes Eddy et Gregory A.Boyd apportent deux solutions :
Comme Gundry l’a démontré, on peut défendre l’idée que Khersa correspond à l’ancienne Gergasa. Identifier Gergasa comme le lieu originel permettrait d’expliquer la présence précoce, dans la tradition manuscrite, de ce lieu relativement obscur. Gundry souligne que la chute accidentelle du deuxième « g » dans l’histoire de la copie pourrait avoir produit la forme « Gerasa ». Le fait que Gérasa et Gadara étaient des villes plus grandes et plus connues pourrait expliquer pourquoi, au fil du temps et à mesure que les copies s’éloignaient de la Palestine, un nom peu familier aurait été remplacé par un autre plus courant. Dans ce scénario, ce n’est pas Marc qui serait géographiquement imprécis, mais les copistes postérieurs. Étant donné les variations indéniables de la tradition manuscrite, cette hypothèse n’est pas simplement une solution de circonstance, mais constitue une interprétation plausible des données complexes. Il convient également de noter que chacune des variantes grecques pourrait être interprétée comme une tentative du traducteur de rendre un original araméen — peut-être KRS ou GRS.
Une autre explication possible, qui soutient à la fois la conclusion courante selon laquelle « Gérasa » serait la lecture originale, tout en défendant l’exactitude historique du récit de Marc, commence par remarquer que le texte pourrait bien être compris comme signifiant « dans la région/à proximité de Gérasa ». Au verset 20, l’ancien démoniaque est d’ailleurs décrit comme proclamant la nouvelle dans toute la Décapole. Comme l’ont noté R.T. France et d’autres, il se peut que Marc utilise le nom « Gérasa » de manière large pour désigner toute la région, puisque c’était une ville importante de la Décapole, et que la zone nord-ouest de celle-ci pouvait être comprise dans cette désignation. [5]
Craig Blomberg a lui aussi apporté une explication qui ressemble à un des propos de Boyd et Rhodes (ci-dessus) en expliquant que Khersa (nom araméen de Gergesa) aurait facilement pu être orthographié en grec de la même manière que Gérasa, Marc et Luc feraient alors référence au lac de Galilée en mentionnant le pays des Gérasiens comme le remarque Craig Blomberg :
Khersa, en grec, aurait facilement pu être orthographiée de la même façon que Gérasa, ce qui a conduit à l'ambiguïté. Matthieu, comme d'habitude, tente de clarifier une ambiguïté, dans ce cas en remplaçant le nom du lieu par "Gadaréniens". Il ne se doutait probablement pas que les scribes ultérieurs, moins familiers avec la géographie de la Palestine, trouveraient ce nom de lieu tout aussi ambigu, aussi les différentes variantes textuelles se sont-elles développées pour tenter de résoudre le problème. Dans l'état actuel des traductions modernes de la Bible, Marc donne simplement une orthographe grecquisé du nom de la ville et Matthieu le nom de la province [6].
Plusieurs hypothèses sont donc possibles pour expliquer cette difficulté, en fait le problème c'est de savoir quel est le bon problème pour choisir la bonne solution.
Toutes les données que je donne sur les manuscrits et les Pères de l'église sont tirées du commentaire de Wieland Willker disponible gratuitement ici http://www.willker.de/wie/TCG/TC-Matthew.pdf Ibid ;
La Bible avec notes d’étude archéologiques et historiques, p1446
Jean C.Ingelaere, Pierre Maraval & Pierre Prigent, Dictionnaire grec-français du Nouveau testament, p166
Gleason L.Archer, Encyclopédia of Bible difficulties, pp328-329
Paul Rhodes & Gregory A.Boyd, The Jesus Legend, chap10
Craig L.Blomberg, The historical reliability of the Gospels second edition, p192
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