Apocryphes, dawah et crucifixion
- ProEcclesia bloger
- 20 avr. 2023
- 16 min de lecture
Dernière mise à jour : 29 sept. 2024

Dans le dialogue intereligieux certains musulmans en viennent à revendiquer les gnostiques pour tenter de nier le fait historique qu'est la crucifixion de Jésus [1]. Ces arguments sont les suivants : L'apocalypse de Pierre nie la crucifixion de Jésus. Leucius Charinus qui aurait été un compagnon de l'apôtre Jean a écrit les Actes de Jean qui nie la crucifixion de Jésus et Basilides qui se revendiquait comme disciple Glaucias qui était disciple de l'apôtre Pierre croyait que Simon de Cyrène avait remplacé Jésus à la croix.
Pour l'Apocalypse de Pierre il faut noter qu'il existe plusieurs textes portant ce titre, l'Apocalypse copte de Pierre découvert à Nag Hammadi, probablement composée à l'origine en grec, la soi-disant Apocalypse arabe de Pierre, un recueil moderne appelé le Livre des Rouleaux dans le manuscrit Mingana Syr. 70 écrit en syriaque, le livre de l'Apocalypse paléochrétien de Pierre composé en grec mais subsistant pour l'essentiel en éthiopien [2]. Le dernier livre mentionné a été utilisé par Clément d'Alexandrie d'après Eusèbe [3] qui a précisé que cette Apocalypse figure parmi les livres controversés et le fragment de Muratori mentionne l'Apocalypse de Pierre comme un livre dont le statut canonique fait débat chez quelques uns des croyant tandis que d'autres l'acceptent [4]. Il est important de comprendre que l'Apocalypse de Pierre qui a été acceptée par certains membres de l'église ne nie pas la crucifixion du Christ contrairement à l'Apocalypse gnostique de Pierre (qui date probablement du 3ème siècle [5]).
Voici le passage de l'Apocalypse gnostique de Pierre sur la crucifixion :
81 Leurs raisonnements seront endurcis, car l’Invisible s’est dressé devant eux ». Après qu’il m’eut dit cela, je le vis 5 comme s’ils se saisissaient de lui. Et je dis : « Que vois-je, Seigneur ? T’appartient-il à Toi qu’on te saisisse ? Et Toi qui 10 me retiens ? Et qui est celui qui se réjouit au-dessus du bois (de la croix) et qui sourit ? Quant à l’autre, ils martèlent ses pieds et ses mains ? ». Le Sauveur 15 me dit : « Celui que tu vois se réjouir au dessus du bois et sourire, c’est le vivant Jésus. Mais celui qu’ils percent de clous aux mains et aux 20 pieds, c’est son (corps) charnel, le substitut, alors qu’ils en font un exemple. Celui qui est venu à l’existence, à la ressemblance de celui-là, vois-le avec moi ». Or, 25 après avoir regardé, je dis : « Seigneur, il n’y personne qui te voit ! Partons d’ici ». Mais il me dit : « Je t’ai dit : “les 30 aveugles, écarte-toi d’eux” ; et toi, vois plutôt comme ils ne comprennent pas ce qu’ils disent.
Le texte est de nature docétique car chez les gnostiques on pouvait trouver une croyance qui faisait du Christ un être purement spirituel et non charnel. C'est pour cette raison qu'on lit dans l'Apocalypse de Pierre que le Christ (spirituel) rit pendant que son corps charnel se fait crucifier. David Alan Black et Thomas D. Lea disent à ce suejt "Une autre fausseté gnostique provenait des enseignements de Cérinthe, qui faisait la distinction entre un esprit-christ divin immatériel et un Jésus humain doté d'un corps physique. Cerinthe a affirmé que l'esprit divin du Christ est venu sur l'homme Jésus lors de son baptême et l'a quitté juste avant sa souffrance sur la croix. Les déclarations dans 1 Jean 5:6 pourraient avoir été dirigées contre le Gnosticisme Cerinthien. Dans ce verset, Jean affirme que le même Jésus-Christ qui a commencé son ministère avec l'eau du baptême a terminé son ministère avec le sang de la crucifixion.[6]"Cette croyance docétique se retrouve aussi dans les Actes de Jean (daté vers 150 [7] qui dit la chose suivante :
101 Je n'ai donc souffert aucune des choses que l'on dira de moi ; même les souffrances que je t'ai montrées, à toi et aux autres, au cours de la scène, je veux qu'elles soient appelées un mystère. Ce que tu es, tu le vois, car je te l'ai montré ; mais ce que je suis, je suis le seul à le savoir, et personne d'autre. Laisse-moi donc garder ce qui est à moi, et ce qui est à toi, regarde-le à travers moi, et regarde-moi en vérité : je suis, non pas ce que j'ai dit, mais ce que tu peux connaître, parce que tu y es apparenté. Vous entendez que j'ai souffert, et que je n'ai pas souffert ; que je n'ai pas souffert, et que j'ai souffert ; que j'ai été transpercé, et que je n'ai pas été frappé ; que j'ai été pendu, et que je n'ai pas été pendu ; que le sang a coulé de moi, et qu'il n'a pas coulé ; et, en un mot, ce qu'on dit de moi, c'est qu'il ne m'est pas arrivé, mais ce qu'on ne dit pas, c'est que j'ai souffert. Or, ce que sont ces choses, je te l'indique, car je sais que tu les comprendras.
Ce texte aussi comporte une forte tendance docétique, Bart Ehrman dit sur ce passage "Jean indique que Jésus est apparu à différentes personnes sous différentes formes en même temps (par exemple, en tant que vieil homme et en tant que jeune homme), comme un vieillard et comme un jeune homme, simultanément à différentes personnes), qu'il n'a jamais cligné des yeux, que sa poitrine était parfois lisse et tendre, mais parfois dure comme de la pierre. Comme Jean le dira plus tard, -parfois, lorsque je voulais le toucher, je rencontrais un corps matériel et solide ; à d'autres moments, lorsque je le sentais à nouveau, la substance était immatérielle et sans corps, comme si elle n'existait pas du tout- (chap. 93). Une fois, Jean indique qu'il a remarqué que Jésus n'a jamais laissé d'empreintes de pas - littéralement un Dieu marchant sur la terre.[8]". Ce texte permet de comprendre (comme pour l'Apocalypse de Pierre) pourquoi les Actes de Jean nie la crucifixion de Jésus, car Jésus n'a pas réellement existé d'un point de vu charnel, il n'a donc pas pu réellement mourir. L'évangile de Judas tient aussi un propos similaire "18 Mais toi, tu feras plus encore qu'eux tous. Car l'homme qui me porte, tu vas l'offrir en sacrifice."
Ces éléments nous amène à une conclusion, la position de la crucifixion est historique et les gnostiques qui viennent après ont annulés la crucifixion n'ont pas sur une base historique mais pour un motif théologique. D'ailleurs cette théologie docétique n'est surement pas partagé par musulmans, pourtant c'est de là qu'est apparue la théorie de la non crucifixion.
Il reste un argument qui peut être revendiqué. Les Actes de Jean repose sur une base historique car ils sont écrit par Leucius Charinus disciple de l'apôtre Jean. Ce genre de propos qui circule sur internet témoigne d'une méconnaissance totale des données dont nous disposons. Il y a bien un lien qui existe entre Leucius Charinus et l'apôtre Jean d'après Épiphane qui au 4ème siècle en parle comme d'un ami de l'apôtre [9]. Seulement Épiphane ne dit nul part que Leucius Charinus a écrit les Actes de Jean. Chez les auteurs grecs nous avons une seule identification entre les Actes de Jean et Leucius chez Photius au 9ème siècle [10] qui dit que Leucius a écrit les Actes de Jean, Pierre, André, Thomas et Paul. Chez les latins plusieurs auteurs ont faits cette identification. Augustin dit que Leucius a écrit des Actes [11] mais il ne précise pas si sil s'agit des Actes d'André (probablement cité dans le contexte par Augustin) ou si il s'agit de tous les Actes lus par les manichéens. Pour Eric Junod & J.D Kaestli il est plus probable qu'Augustin fasse référence à la croyance et invention des manichéens qui était que Leucius a écrit les 5 Actes apocryphes [12] bien que nous ne pouvons pas en être certains. Innocent Ier vers 405 et Turibius d'Astorga vers 440 attribuent eux aussi les Actes de Jean à un Leucius sans plus de précision. Le point notable est que tous les auteurs qui attribuent les Actes de Jean à Leucius ne font pas de Leucius un disciple de St Jean et le seul qui fait de Leucius un disciple de St Jean ne fait pas de lui l'auteur des Actes de Jean. En fait une lecture du texte d'Épiphane montre que le Leucius mentionné est placé dans un cercle orthodoxe est non hétérodoxe. Dans le contexte Épiphane reconnait l'autorité des 4 évangiles, un de Matthieu, un de Marc disciple de Pierre et un de Jean et lorsqu'il mentionne Leucius c'est justement pour répondre à des hérétiques :
Panarion 2.6.3 De même, les choses dont saint Jean a discuté, et confirmées dans le Saint-Esprit, ne visaient pas seulement à répéter ce qui avait déjà été proclamé, mais à parler des enseignements que les autres avaient dû laisser à Jean. [...] 9 [...] Car ils ont souvent été contredits par saint Jean et ses amis, Leucius et bien d'autres. Mais l'impudence a frappé son front et a fait de son mieux pour s'attirer ses propres malheurs.
Il ne fait aucun doute que pour Épiphane Leucius ne peut pas être l'auteur d'un courant hérétique tel que reflété dans les Actes de Jean, il ne peut donc pas être utilisé pour prouver que les Actes de Jean ont une valeur historique. Pour toutes ces raisons nous pouvons certainement dire que les Actes de Jean est un texte anonyme, Éric Junod & Jean-Daniel Kaestli qualifient le nom de Leucius de "nom passe-partout et maudit à qui on attribuera tel ou tel texte´ [13]" et ils concluent après étude sur l'auteur de Actes de la sorte "En définitive, aucun des témoignages sur Leucius ne rapporte une information fiable sur l'auteur que l'un ou l'autre des Actes se serait primitivement donné. Tout porte à croire que ces Actes étaient anonymes et que le nom de Leucius est une légende secondaire, née dans des cercles manichéens et destinée à couvrir honorablement le recueil de ces Actes"[14].
Le dernier problème provient des conclusions des érudits sur la formation des Actes de Jean [15]. Il est généralement admis que les Actes de Jean contiennent trois sections, A (18-86), B (87-93, 103 15) et c (94-102, 109). Les sections A et B seraient du même auteur et reflète un courant docétique et non gnostique tandis que la section C serait le fruit d'un 2ème auteur qui a interpolé le texte avec des sections qui reflète un courant docétique et gnostique. J. D. Atkins dit à ce sujet "Bien que le sermon constitue une unité dans la tradition manuscrite, la section C est si différente de la section B en termes de style, de forme, de contenu et de théologie que presque tous les spécialistes s'accordent aujourd'hui à dire que le matériel provient de deux auteurs différents [16]". Si l'on prend en compte cette position nous avons un gros problème puisque la partie considérée comme interpolée contient justement le passage de la négation de la crucifixion. Au final, même en prenant en compte que Leucius serait l'auteur des Actes de Jean (ce qui n'est très certainement pas le cas) cela ne prouverait toujours pas qu'il serait l'auteur du passage niant la crucifixion.
[En écrivant ces lignes j'ai compris pourquoi Leucius est régulièrement cité sur internet comme soutient à la non crucifixion de Jésus, il s'agit d'une erreur provenant de la page wikipédia de Leucius. Wikipédia dit la chose suivante :

Le texte dit bien que selon Épiphane, Leucius aurait été compagnon de St Jean et aurait écrit les Actes de Jean. Hors comme je l'ai expliqué plus haut Épiphane ne dit nul part que Leucius est l'auteur des Actes de Jean. Mais le plus ironique est que ce propos repose sur une note (1) qui renvoie à ce livre :

Livre que j'ai moi même utilisé et qui ne dit absolument pas ce qu'affirme wikipédia mais le contraire. La p142 cité par wikipédia ne parle même pas d'Épiphane par contre les pages 138 & 139 démontrent bien que l'article wikipédia est faux et tronque sa source :

Le dernier point de l'article concerne Basilides. La position de Basilides sur la crucifixion nous est donnée par Irénée de Lyon dans son livre contre les hérésies 1.4.24 :
Alors le Père inengendré et innommable, voyant la perversité des Archontes, envoya l'intellect, son Fils premier né c'est lui qu'on appelle le Christ - pour libérer de la domination des Auteurs du monde ceux qui croi- raient en lui. Celui-ci apparut aux nations de ces Archontes, sur terre, sous la forme d'un homme, et il accomplit des prodiges. Par conséquent, il ne souffrit pas lui-même la Passion, mais un certain Simon de Cyrène fut réquisitionné et porta sa croix à sa place. Et c'est ce Simon qui, par ignorance et erreur, fut crucifié, après avoir été métamorphosé par lui pour qu'on le prît pour Jésus; quant àJésus lui-même, il prit les traits de Simon et, se tenant là, se moqua des Archontes. Etant en effet une Puissance incorporelle et l'intellect du Père inengendré, il se métamorphosa comme il voulut, et c'est ainsi qu'il remonta vers Celui qui l'avait envoyé, en se moquant d'eux, parce qu'il ne pouvait être retenu et qu'il était invisible à tous. Ceux donc qui «savent » cela ont été délivrés des Archontes auteurs du monde. Et l'on ne doit pas confesser celui qui a été crucifié, mais celui qui est venu sous une forme humaine, a paru crucifié, a été appelé Jésus et a été envoyé par le Père pour détruire, par cette« économie», les œuvres des Auteurs du monde. Si quelqu'un confesse le crucifié, dit Basilide, il est encore esclave et sous la domination de ceux qui ont fait les corps ; mais celui qui le renie est libéré de leur emprise et connaît l' « économie » du Père inengendré.
En ce qui concerne le lien entre Basilide et Glaucias l'information nous vient de Clément d'Alexandrie qui rapporte les dires des basilidiens qui se revendiquaient d'être des disciples de Glacuias interprète de l'apôtre Pierre [17]. Lorsqu'il évoque ce sujet Clément affirme que c'est l'église catholique qui a l'antériorité mais d'un point de vu neutre nous ne pouvons pas décider pour savoir qui a le plus de légitimité pour se donner des revendications apostoliques car c'est témoignage contre témoignage. Cependant le fait même d'appartenir à une école docétique et/ou gnostique est une preuve contre le lien dont se revendiquaient les basilidiens puisque comme nous l'avons vu plus haut la théorie de la non crucifixion de Jésus est une réaction à la proclamation de la crucifixion. Avec le Nouveau Testament et en reprenant les datations généralement donnés par les érudits modernistes/sceptiques (avis que je ne partage pas) nous avons plusieurs textes du 1er siècle qui nous parlent de la crucifixion de Jésus et aucun qui nous parlent d'une théorie alternative. Et si on prend en compte notre tradition pour répondre à la revendication des basilidiens sur les liens avec St Pierre nous avons, pour affirmer qu'il croyait en la crucifixion : 2 épitres qu'il a écrit, deux évangiles écrits par des apôtres qui l'ont côtoyés (Matthieu, Jean), un évangile (Marc) écrit par un des ses disciples, 13 épitres de St Paul qui a connu St Pierre, un évangile (Luc) écrit par un disciple de St Paul qui a par exemple rencontré l'apôtre Jacques [18], on peut aussi rajouter Clément de Rome qui a écrit une épitre daté du 1er siècle et qui a très probablement connu l'apôtre Pierre [19]. Historiquement il n'y a pas de débat possible [20].
Pour remédier à ce problème certains font valoir que l'auteur de l'évangile de Jean a omis la présence de Simon de Cyrène lorsque Jésus porte sa croix à cause de la position des basilidiens, l'objectif avec cet argument est de donner une antériorité à la théorie de la substitution. Le problème est que l'évangile de Jean nous montre que son auteur avait une christologie qui a pu le poussé à omettre la présence de Simon de Cyrène pour une raison autre que la position de Basilide. En Jean 10.17-18 nous pouvons voir que Jésus dit "je donne ma vie pour la reprendre. Personne ne me la ravit, mais je la donne de moi-même ; j'ai le pouvoir de la donner, et le pouvoir de la reprendre", en Jean 18.6 il fait tomber ceux qui viennent le chercher, en Jean 18.21 il défie le grand prêtre et en Jean 19.11 il dit à Pilate qu'il n'a sur lui aucun pouvoir [20] et en Jean 12.14 Jésus trouve lui même l'anon alors que dans les synoptiques on lui ramène. L'omission de Simon peut donc être due au fait que Jean veut montrer que Jésus à un total contrôle sur sa vie. De plus même si St Jean connaissait la position de Basilide et qu'il a omis Simon de Cyrène pour cette raison cela ne prouve pas que cette théorie et la plus ancienne. En effet l'argument peut être retourné. Si St Jean omet la précense de Simon à cause de la théorie de la substitution et que les 3 synoptiques la mentionnent c'est que cette théorie n'exsitait surement pas quand ils ont écrit.
Un dernier point doit être noté, Pour Birger Pearson Irénée de Lyon se trompe lorsqu'il rapporte la position des basilidiens [21]. Pearson se base en partie sur le traité du grand Seth découvert parmi les apocryphes de Nag Hammadi. Dans ce livre texte lisons :
Et Moi, j’ai souffert à leurs yeux et dans leur esprit, afin qu’ils ne trouvent jamais nulle parole à dire à ce sujet. En effet, cette mort qui est mienne et qu’il pensent être arrivée, est arrivée pour eux dans leur erreur et leur aveuglement, car ils ont cloué leur homme pour leur propre mort. Leurs pensées en effet ne me virent pas car ils étaient sourds et aveugles, mais en faisant cela, ils se condamnaient. Ils m’ont vu, ils m’ont infligé un châtiment. C’était un autre, leur père. Celui qui buvait le fiel et le vinaigre, ce n’était pas Moi. ?Ils me flagellaient avec le roseau.? C’était un autre, celui qui portait la croix sur son épaule, c’était Simon. C’était un autre qui recevait la couronne d’épines. Quant à Moi, je me réjouissais dans la hauteur, au-dessus de tout le domaine qui appartient aux archontes et au-dessus de la semence de leur erreur, de leur vaine gloire, et je me moquais de leur ignorance.
Pearson commente ce texte est dit "Les premiers interprètes de ce passage l'ont lu à la lumière de ce qu'Irénée rapporte sur Basilide, et l'ont considéré comme un élément de la tradition basilidienne. Mais le texte n'enseigne pas la doctrine attribuée par Irénée à Basilide. Ce qu'il dit, c'est que les souffrances endurées lors de la crucifixion n'ont pas été endurées par le vrai Jésus, mais seulement par le corps physique qu'il habitait" [22]. Pearson apporte un autre argument pour soutenir son point de vu. Il cite Clément d'Alexandrie [23] qui rapporte que pour Basilide Jésus a souffert ce qui contredit ce que rapporte Irénée sur Basilide et tend à montrer que le rapport d'Irénée sur Basilide n'est pas si fiable. Bien que la position de Pearson soit intéressante elle n'est pas (d'après mes recherches) partagée (ou passé au silence?) par les autres spécialistes du gnosticisme. Quoi qu'il en soit avec toutes ces hypothèses nous pouvons mettre aux oubliettes les revendications de ceux qui utilisent les apocryphes pour nier la crucifixion de Jésus.
En conclusion nous pouvons citer Jean-Paul Michaud, spécialiste du Jésus historique pour qui il est inconcevable qu'il y ait eu à l'origine une communauté ignorante de la crucifixion "Il paraît inconcevable qu'il ait existé dans le territoire limité de la Galilée une communauté chrétienne, ignorante du kérygme pascal ou s'opposant à lui, totalement séparée des autres chrétiens de Galilée et de leur réseau de communication!! [24]".
https://www.proecclesia.fr/post/plus-de-90-spécialités-disent-que-la-crucifixion-est-historique
Dan Batovici, Early New Testament Apocrypha, chap26
Eusèbe, HE 6.14 : Pour abréger, dans les Hypotyposes, il fait des exposés, sous forme de résumés, de toute l'Écriture testamentaire, sans omettre les livres controversés; je dis l'épître de Jude et les autres épîtres catholiques, celle de Barnabé et l'Apocalypse attribuée à Pierre. ; Pour Dan Batovici il n'est pas clair si oui ou non Clément considérait l'Apocalypse de Pierre comme écriture, Early New Testament Apocrypha, chap26
http://pascal.dupuy.chez-alice.fr/Lexique/muratori.htm Nous recevons seulement les Apocalypses de Jean et de Pierre; celle-ci, à vrai dire, certains des nôtres ne veulent pas qu’elle soit lue dans l’Eglise.
James Brashler & Roger A. Bullard ,The Nag Hammadi Library in English, p373
David Alan Black & Thomas D. Lea, The New Testament: Its Background and Message second edition, chap 22
Bart Ehrman, Lost Christianities: The Battles for Scripture and the Faiths We Never Knew, p42
J.D.Atkins, The Doubt of the Apostles and the Resurrection Faith of the Early Church, p289
Épiphane, Panarion 2.6.9
Photius, Codex 114
Augustin, Contre Félix 2.6
Éric Junod & Jean-Daniel Kaestli, L'histoire des Actes apocryphes des apôtres du IIIe au IXe siècle : le cas des Actes de Jean, p140
Ibid, p141
Ibid, p143
Pour un résumé voir J.D.Atkins, The Doubt of the Apostles and the Resurrection Faith of the Early Church pp286-289 ; Charles E. Hill, The Johannine Corpus in the Early Church, pp258-263
J. D. Atkins, The Doubt of the Apostles and the Resurrection Faith of the Early Church p287
Clément d'Alexandrie, Stromates 7.106.4
Pour une défense de ces positions voir mes articles https://www.proecclesia.fr/post/les-quatre-évangiles-anonymes-1 ; https://www.proecclesia.fr/post/1-et-2-pierre-des-pseudépigraphes ; https://www.proecclesia.fr/post/qui-a-écrit-luc-actes
Irénée mentionne un Clément devenu le troisième évêque de Rome et qui a connu les apôtres (Après lui, en troisième lieu à partir des apôtres, l'épiscopat échoit à Clément. Il avait vu les apôtres eux-mêmes et avait été en relations avec eux : leur prédication résonnait encore à ses oreilles et leur Tradition était encore devant ses yeux. Il n'était d'ailleurs pas le seul, car il restait encore à cette époque beaucoup de gens qui avaient été instruits par les apôtres. Contres les hérésies 3.3.3) ce qui peut faire référence au Clément de Philippiens 4.3. Clément d'Alexandrie attribue 1 Clément à l'apôtre Clément (L'apôtre Clément, dans son épitre aux Corinthiens, nous trace aussi une sorte de portrait du Gnostique. Stromates 4.17). Tertullien parle d'un Clément nommé évêque de Rome par St Pierre ([...] l'Église romaine à laquelle Clément a été ordonné par Pierre. Prescription contre les hérétiques 32). Et la recension longue de la lettre d'Ignace aux Tralliens mentionne un Clément assistant de St Pierre. Avec tous ces éléments Mike Licona conclut "Ainsi, bien que la certitude historique nous échappe, je considère qu'il est plus probable que non (c'est-à-dire plus que possible) que Clément de Rome ait personnellement connu l'apôtre Pierre" The Resurrection of Jesus A New Historiographical Approach, p250
Richard Bauckham a un propos intéressant sur Glaucias et Basilide "Il semble probable que Basilide affirmait avoir été le disciple de l'interprète de Pierre, Glaucias, à peu près à l'époque où Papias écrivait, ou peut-être un peu plus tard. Les chercheurs qui ont soutenu que les déclarations de Papias sur les Évangiles étaient motivées par une apologétique anti-gnostique ont parfois vu dans sa description de Marc comme interprète de Pierre une réponse polémique à l'autorisation donnée par Basilide à son enseignement par référence à Glaucias, l'interprète de Pierre. Mais l'idée que Papias s'intéressait à l'apologétique anti-gnostique n'est guère défendable, et elle a été généralement abandonnée. Il est beaucoup plus probable que l'affirmation de Basilide imitait la description de Marc comme l'interprète de Pierre. Il voulait autoriser sa propre revendication d'une tradition ésotérique transmise oralement par Pierre en établissant un parallèle avec l'affirmation selon laquelle l'Évangile de Marc transmettait l'enseignement de Pierre. Il est possible qu'il ait connu cette dernière affirmation soit directement par la lecture de Papias, soit indirectement par l'influence de Papias, mais la chronologie rend plus plausible le fait qu'il l'ait connue comme une tradition concernant l'Évangile de Marc indépendamment de Papias. L'association particulière de Marc et de son Évangile avec Alexandrie, où Basilide avait son école philosophique, plaide également en faveur de ce point de vue. Cette association était connue de Clément d'Alexandrie (Eusèbe, Hist. Eccl. 2.16.1567). Il est très plausible que Marc ait été connu très tôt en Égypte comme " l'interprète de Pierre ", en référence à la paternité de son Évangile." Jesus and the Eyewitnesses : The Gospels as Eyewitness Testimony, p238
Voir Raymond Brown, La Mort du Messie, pp1009-1010
"La suite du récit d'Irénée est très étrange, car Jésus est considéré comme un "changeur de forme", échangeant des formes avec Simon de Cyrène, qui s'avère être celui qui a été crucifié. Je doute fort que ce soit là ce qu'enseignait Basilide. Je soupçonne Irénée, ou sa source, d'avoir mal interprété ce qu'enseignait Basilide. On peut peut-être trouver un indice sur la manière dont cette interprétation erronée a pu se produire dans le passage suivant du Second Traité du Grand Seth" Birger Pearson, Basilides the Gnostic, p22 ; Pour une position similaire voir Jean Daniel Dubois "Le docetisme des christologies gnostiques revisite" qui conclut à la page 303 "Le scénario irénéen de la crucifixion de Simon de Cyrène à la place de Jésus n’est pas confirmé par la documentation copte de Nag Hammadi, ni par l’Elenchos. Il représente sans doute une élaboration hérésiologique d’Irénée, ou de sa source, à partir de formulations ambigües des basilidiens sur les divers corps que revêt le Sauveur lors de sa descente des cieux avant d’arriver sur terre dans la « maison corporelle » du Jésus des évangiles."
Birger Pearson, Basilides the Gnostic, p23
Clément d'Alexandrie Stromates 4.12 cité par Pearson dans Basilides the Gnostic pp25-26
Jean-Paul Michaud, Passible des Historiens: Jésus de Nazareth, p10
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