Acts vs Matthieu, la formule du baptême
- ProEcclesia bloger
- 26 août 2021
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Dernière mise à jour : 24 févr.

Matthieu 28:19 Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fil et du Saint-Esprit
Lorsqu'on lit l'évangile de Matthieu on peut voir au verst 19 du dernier chapitre que le Christ demande à ses disciples de baptiser au nom du "Père, Fils, St Esprit". Mais lorsqu'on lit le livre des Actes des apôtres qui raconte le debut du ministère des apôtres ont peut s'apercevoir que les apôtres ne baptise pas au nom du "Père, Fils, St Esprit " mais le font au nom du Christ.
Ce problème est souvent pointé du doigt pour attaquer la fiabilité du Nouveau Testament, par exemple la chaine YouTube "EfDawah" l'utilise pour sapper la fiabilité historique de l'évangile et des Actes [1].
Un des premiers argument que l'on entend généralement consiste à dire que le problème provient de l'évangile de Matthieu dont le texte aurait été falsifié par des scribes qui auraient rajoutés la mention "Père, Fils, St Esprit". Malheureusement les tenants de cette position ne peuvent s'appuyer sur AUCUN manuscrits car tous les manuscrits dont nous disposons ont la formule "Père, Fils, St Esprit" en Matthieu 28.19.
Le deuxième argument, plus crédible, provient d'Eusèbe de Césarée. Ce dernier comme le rapporte James Snapp dans l'un de ses articles [2] a cité Matthieu 28.19 à 17 reprises en utilisant non pas la formule "Père, Fils, St Esprit" mais en disant simplement "en mon nom". Bernard Henry Cuneo au début du siècle dernier à publié une étude dans laquelle il a examiné les citations d'Eusèbe et en a conclut qu'Eusèbe avait tendance à ne pas citer les versets en entier et se contentait souvent de segments [3]. De plus nous pouvons retrouver ailleurs dans les écrits d'Eusèbe la formule "Père, Fils, St Esprit". Et plusieurs auteurs ayant vécu avant Eusèbe ont montrés une connaissance de Matthieu 28.19 avec la formule longue :
La Didaché au début des années 100 J.C.
Irénée de Lyon vers 180 ap J.C.
Tertullien vers 200 ap J.C.
Hippolyte de Rome vers 200 ap J.C.
Les Actes de Thomas au début des années 200 ap J.C.
Quatre participant du 7ème concile de Carthage en 257 ap J.C qui ont cités la formule "Père, Fils, St Esprit". [4]
Le point de la falsification scribal peut donc être mis de coté étant donné la faiblesse des arguments avancés. Mais il reste maintenant un problème, comment expliquer les différence entre Matthieu et les Actes ?
Pour expliquer ce "problème" on pourrait dire que comme Eusèbe, St Luc s'est contenté de rapporter une formule abrégée et qu'il a cité le nom "Jésus" pour raccourcir la formule "Père, Fils, St Esprit", ce qui est possible puisqu'à plusieurs reprises St Luc va même jusqu'à mentionner des baptêmes sans rapporter de formule (Actes 8.12 ; 8.38 ; 9.18 ; 16.15 ; 16.33 ; 18.8) [5] ce qui témoigne qu'il a tendance à abréger les récits qu'il rapporte. Bien que cette interprétation est tout à fait possible on peut légitiment se demander pourquoi St Luc ne mentionne même pas à une seule reprise la formule "Père, Fils, St Esprit".
Une autre solution pourrait être que Jésus n'a pas réellement prononcé la formule "Père, Fils, St Esprit" mais a seulement dit qu'il fallait baptiser en "son nom" et à partir de là différentes formules ont été utilisé avant que la formule "Père, Fils, St Esprit" ne s'impose [6]. Mais dans ce cas Matthieu n'aurait-il fait une falsification ? Et bien pas forcément. Imaginez que j'envoie 3 personnes rapporter un courier et que je leur dit "dites que vous venez de ma part", la 1ère lorsqu'elle livre le courier utilise mon nom, la deuxième utilise mon prénom et mon nom de famille et la 3ème utilise mon surnom. Dans ces trois exemples trois formules différentes sont utilisées et pourtant le trois sont corrects car elle renvoies à la même réalité [7].
Il devrait en être de même quand on cherche à comprendre Matthieu 28.19, il est possible que Jésus a simplement dit "en mon nom" et que Matthieu a simplement rapporté la signification de baptiser "au nom du Seigneur", il ne rapporte alors pas le discours littéralement mais en rapporte le sens. La question ne devrait alors pas être "est-ce une falsification scripturaire ?" mais plutôt "est-ce que baptiser au nom du Seigneur et au nom du Père, Fils, St Esprit renvoie à la même réalité et comment la comprendre ?".
Ce qui vient appuyer cette explication c'est qu'il y a, contrairement à ce que l'on entend, non pas deux formules différentes pour le baptême entre Matthieu et les Actes mais plus. En effet dans les Actes nous voyons différentes formules en plus des passages où les formules sont absentes, voici les différentes façons dont sont rapportées les baptêmes dans les Actes :
Pas de formule - Actes 8.12 ; 8.38 ; 9.18 ; 16.15 ; 16.33
Au nom de Jésus Christ - Actes 2.38
Au nom du Seigneur Jésus - Actes 8.16 ; 19.5
Au nom du Seigneur - Actes 10.48
Pas de formule mais une mention d'invocation de son nom (Seigneur) - Actes 22.16
On peut voir qu'il y a trois formules différentes dans les Actes, pourtant elles revoient toutes à la même réalité, et bien c'est dans ce sens que nous devons approcher Matthieu 28.19.
De plus le fait que nous trouvons plusieurs formules dans les Actes pourrait être la preuve qu'au tout premier temps de l'église il n'y avait pas de formule précise et que rapidement la formule "Père, Fils, St Esprit" a supplantée les autres (avant 70 ?) pour devenir la seule. Il est aussi possible que Jésus ait enseigné plusieurs formules. La Didaché en réalité rapporte deux formules, (Didaché 7 Pour le baptême, donnez-le de la manière suivante après avoir enseigné tout ce qui précède, "baptisez au nom du Père et du Fils et du Saint- Esprit") et ( Didaché 9 Que personne ne mange et ne boive de votre eucharistie, si ce n'est les baptisés au nom du Seigneur, car c'est à ce sujet que le Seigneur a dit : "Ne donnez pas ce qui est saint aux chiens"). D'ailleurs il est intéressant de noter que lorsqu'il s'agit d'un ordre (Mathieu 28.19) et (Didaché 7) nous retrouvons la formule complète tandis que lorsqu'il s'agit de récit parlant de baptême comme dans les Actes et Didaché 9 nous retrouvons une formule courte. Il est possible que l'explication ici soit que les textes parlant de baptême abrègent volontairement la formule "Père, Fils, St Esprit".
L'authenticité de Matthieu 28.19 a récemment (2024) fait l'objet d'un article publié par Jacob T. Hundu dans "The American Journal of Biblical Theology" [8]. Dans la conclusion de son article nous pouvons lire le propos suivant "Le débat sur l'authenticité de Matthieu 28:19 est une question complexe et aux multiples facettes. Les arguments en faveur de l'authenticité du verset sont convaincants, car ils s'appuient sur des preuves manuscrites écrasantes, la cohérence de la formule trinitaire à travers différents manuscrits et langues, ainsi que son acceptation et son utilisation répandues dans les premiers écrits chrétiens. Les arguments contre son authenticité, qui suggèrent que la formule trinitaire serait une insertion théologique ultérieure, ne sont pas entièrement convaincants, car ils reposent largement sur la variante trouvée dans les écrits d'Eusèbe et sur l'absence de preuves manuscrites anciennes. [9]"
Quelques citations pré-Eusebe
Didache 7. Pour le baptême, donnez-le de la manière suivante: après avoir enseigné tout ce qui précède, « baptisez au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit », dans de l'eau courante.
Justin Martyr. Dans notre première génération, nous naissons ignorants et selon la loi de la nécessité, d’une semence humide, dans l’union mutuelle de nos parents, et nous venons au monde avec des habitudes mauvaises et des inclinations perverses. Pour que nous ne restions pas ainsi les enfants de la nécessité et de l’ignorance, mais de l’élection et de la science, pour que nous obtenions la rémission de nos fautes passées, on invoque dans l’eau sur celui qui veut être régénéré et qui se repent de ses péchés le nom de Dieu le père et le maître de l’univers. Cette dénomination seule est précisément celle que prononce le ministre qui conduit au bain celui qui doit être lavé. Peut-on donner en effet un nom au Dieu ineffable, et ne serait-ce pas folie orgueilleuse que d’oser dire qu’il en a un ? Cette ablution s’appelle illumination, parce que ceux qui reçoivent cette doctrine ont l’esprit illuminé. Et aussi au nom de Jésus-Christ, qui fut crucifié sous Ponce-Pilate, et au nom de l’Esprit-Saint, qui prédit par les prophètes toute l’histoire de Jésus, est lavé celui qui est illuminé. Première apologie, 61.10-13
Irénée de Lyon. De même encore, lorsqu'il donnait à ses disciples le pouvoir de faire renaître les hommes en Dieu, il leur disait : « Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.» Contre les Hérésies 3.17.1
Tertullien. En effet, la nécessité du baptême a été imposée; la forme en a été prescrite: « Allez, dit le Seigneur aux Apôtres, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. » Cette loi est clairement confirmée par cet autre arrêt définitif: « En vérité, en vérité je vous le dis, si quelqu'un ne renaît de l'eau et de l'Esprit saint, il n'entrera point dans le royaume de Dieu: » double sentence où est écrite la nécessité du baptême. Du Bapteme 13
Origène. Mais le troisième jour, il est ressuscité des morts, afin que, les ayant délivrés du malin et de son fils, en qui étaient le mensonge, l'injustice, la guerre et tout ce qui s'oppose à ce qu'est le Christ, et aussi de l'esprit profane qui se transforme en Esprit Saint, il obtienne pour ceux qui avaient été délivrés le droit d'être baptisés en esprit, en âme et en corps, au nom du Père, du Fils et de l'Esprit Saint, qui représentent les trois jours éternellement présents en même temps à ceux qui, grâce à eux, sont fils de la lumière. Commentaire sur Matthieu, livre 12.20
Victorin de Pettau. Sa voix était comme la voix de grandes eaux. Les grandes eaux sont comprises comme étant les nombreux peuples, ou le don du baptême qu'il a envoyé aux apôtres, en disant : « Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit : Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Commentaire sur l'Apocalypse 1.15
https://www.thetextofthegospels.com/2019/11/matthew-2819-baptism-in-whose-name.html ; voir aussi https://asitreads.com/2018-2-22-historical-evidence-in-favour-of-matthew-chapter-2819-and-response-to-claims-of-inauthenticity/
Ibid
Ibid
Le texte grec sur lequel je me suis basé est le Nestle Aland 28ème édition, je n'ai pas vérifié si des variantes existent dans ces versets
Pour un argument similaire voir Craig L. Blomberg, The historical reliability of the Gospels second edition, pp159-160
Cette analogie n'est pas à prendre au pied la lettre et n'a pour objectif de défendre le modalisme
Jacob T. Hundu, Examining the Evidence: The Case for and Against the Authenticity of Matthew 28:19.
Ibid, p11
Matthieu était disciple du christ, ce qui n'est pas le cas de Luc et donc les actes des apôtres écrits par lui sont selon sa méthode . Luc préfère aller à l'essentiel en sachant que celui qui se converti aura l'enseignement adéquat et complet.
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